En 2013, le Congrès juif russe n’a recensé que 10 attaques et actes de vandalisme anti-juifs en Russie. Mikhail Chlenov, Secrétaire général du Congrès juif euro-asiatique, explique que les tendances pro-juives de Poutine font partie des raisons pour lesquelles les incidents antisémites sont relativement rares en Russie. « Les juifs ont vécu en Russie du temps du tsar, de Staline, dans toutes les situations; celle d’aujourd’hui est la meilleure des 200 à 300 dernières années », déclare Yuri Kanner, chef du Congrès juif russe. Il est vrai qu’en 2010, selon un sondage, 2 ou 3% seulement des citoyens de Russie disaient « éprouver de la haine pour les juifs ».
Des communautés juives organisées existent dans plus de deux cents villes. Moscou compte dix écoles juives, cinq synagogues, plusieurs établissements d’enseignement supérieur, cinq fondations caritatives et pas moins de huit restaurants cachers. À lui seul, le Centre culturel juif de la ville compte 10 000 membres. L’ORT (Organisation Reconstruction Travail), œuvre éducative juive qui compte 4 000 élèves à Moscou, et l’ORT à Saint-Pétersbourg ont reçu le Prix du Président – la plus haute distinction en Russie pour l’innovation et l’excellence dans l’enseignement.
Poutine fait remonter ses liens avec le judaïsme à sa prime jeunesse à Saint-Pétersbourg, quand il est devenu l’ami d’une famille juive qui vivait dans son immeuble. Dans son autobiographie de 2000, Poutine écrit que cette famille, dont il ne donne pas le nom, l’aimait et qu’il avait pris l’habitude de rechercher sa compagnie. « C’étaient des juifs observants qui ne travaillaient pas le samedi et où l’homme étudiait la Bible et le Talmud tout au long de la journée », écrit Poutine. « Une fois, je lui ai demandé ce qu’il murmurait. Il m’a expliqué à quel point ce livre était intéressant et cela m’a immédiatement captivé ».
Une autre figure juive influente pour Poutine a été son entraîneur de lutte, Anatoly Rakhlin, qui a déclenché l’intérêt pour le sport chez le jeune Poutine et l’a entraîné vers les rues brutales de Léningrad, où Poutine se lançait dans des combats alors que ses parents travaillaient. Aux funérailles de Rakhlin, on rapporte que Poutine était submergé par l’émotion, et qu’il a laissé tomber toutes ses précautions sécuritaires pour s’éloigner et partir pour une courte promenade solitaire.
Le président russe Vladimir Poutine a acheté un petit appartement en Israël pour son ancien professeur d’allemand, Mina Yuditskaya Berliner, âgée de 93 ans. Celle-ci a émigré en Israël il y a 40 ans. Lorsque Poutine a visité Israël en tant que président en 2005, elle a demandé à l’ambassade russe de Tel Aviv à être invitée à la réception en l’honneur du dirigeant russe. Peu après la visite de Poutine, Mina Berliner commença à recevoir des cadeaux : une montre et une biographie dédicacée de Poutine. Un peu plus tard, un fonctionnaire russe l’a emmenée pour visiter des appartements dans le centre de Tel Aviv. Quelques mois, elle a aménagé dans son nouvel appartement.
En bons juifs, ceux de Russie sont divisés en deux camps qui se détestent cordialement. D’un côté, la « Fédération des communautés juives de Russie » (FEOR) qui regroupe les nombreuses communautés hassidiques loubavichs, dirigée par le Grand rabbin Berl Lazar. En face, toutes les autres, unies dans le « Congrès juif de Russie » (REK), créé par l’oligarque Gousinsky en 1996 et présidé par le grand rabbin Adolf Chaevitch. Une division cultuelle et culturelle qui s’est encore aggravée avec l’intervention du pouvoir politique. Jusqu’en 2000, en effet, c’était Chaevitch qui, grâce au soutien de quelques oligarques, représentait les juifs au « Conseil présidentiel des affaires religieuses ». Mais, quelques mois après l’arrivée de Poutine au pouvoir, le nouveau Président, qui entend briser le pouvoir des oligarques, manœuvre en deux temps. D’abord, il décerne au rabbin Berl Lazar, le titre, créé spécialement pour lui, de « Rabbin principal de Russie ». Lazar devient ainsi le supérieur hierarchique de Chaevitch et il est donc logique qu’il le remplace au Conseil présidentiel. Depuis, Lazar ne tarit pas d’éloges sur le nouveau président : « La notion d’antisémitisme lui est tout à fait étrangère ». En 2000, Poutine ouvre les portes et les salles du Kremlin à la fête annuelle des Loubavitchs. Cela ne s’était jamais vu. La même année, Poutine accorde dix millions de dollars de subventions à la Fédération animée par Lazar, pour aider à la création d’un centre de formation loubavitch. La Fédération compte à ce jour 4 000 prosélytes, dont 150 seulement animent le secteur russe, mais 3 850 sont répartis dans 73 pays étrangers. Poutine ne cache pas ses relations personnelles avec Berel Lazar. En septembre 2005, il s’est laissé photographier lui serrant la main, lors d’un congrès annuel des Loubavitchs. Une sorte d’adoubement pour ce fils d’émigrés juifs de Milan. Mais cette réussite s’assortit probablement de services rendus en échange aux services secrets grâce aux Loubavitchs implantés dans soixante-treize pays.
Peu de temps après qu’il ait pris ses fonctions, le gouvernement Poutine s’oppose à plusieurs hommes d’affaires juifs, dont Vladimir Gousinsky, Boris Berezovsky et Mikhaïl Khodorkovsky. En 2000, Gouzinsky est relâché par le KGB au bout de quatre jours, à condition de s’exiler, et de renoncer à ses journaux et à sa radio. Boris Berezovsky aida à propulser la carrière gouvernementale de Vladimir Poutine, ancien directeur du FSB (services de renseignements) méconnu du public, jusqu’au poste de Premier ministre en août 1999. Mais il doit s’exiler lui aussi. Mikhaïl Khodorkovski, après avoir été la première fortune russe, est emprisonné en 2004 pour « vol par escroquerie à grande échelle » et « évasion fiscale ». Après dix ans d’incarcération, il est gracié par le président Vladimir Poutine et libéré le 20 décembre 2013.
En revanche d’autres « oligarques » juifs sont au mieux avec le nouveau tsar. Roman Abramovitch, roi mondial du vanadium, minerai hautement stratégique, vit à Londres dix mois sur douze et finance à bout de bras le budget de la ville d’Omsk, en Sibérie. C’est un fidèle de Vladimir Poutine, de même que l’oligarque George Rohr, un des plus importants investisseurs en Russie, qui s’active depuis sa résidence américaine. D’autres hommes d’affaires juifs demeurent plus « neutres », ainsi Mikhaïl Friedman, propriétaire d’Alfa Group, Andreï Rappoport, président de l’école de commerce Skolkovo, Boris Belotserkovski, président du groupe Unicum, et Boris Mints, copropriétaire de la société financière Otkrytie.
En décembre 2011, alors que des manifestations contre les fraudes électorales ont lieu à Moscou, Poutine, lors d’une réunion avec des personnalités religieuses du pays, demande au rabbin Lazar, « Dites-moi, qu’est-ce qu’un juif est censé faire le jour du Sabbat ? » Le rabbin répond : « Observer le Sabbat. » « Alors, que sont toutes ces manifestations ? » demande le Président russe qui sait que de jeunes juifs y participent. « J’ai dit à Poutine qu’il n’est pas de mon ressort d’intervenir, que les choix de participation à ces manifestations sont personnels. Nous, nous sommes pour la stabilité. Mais je ne vais pas dire aux juifs la façon de voter », a déclaré Lazar. Le rabbin rejette l’idée, largement rapportée, que la réunion avec les chefs religieux était une manifestation de soutien à Poutine. « Nous l’avons remercié pour ce qu’il a fait pour notre communauté » explique Lazar. « Il lutte contre l’antisémitisme. »
Lazar ne pense pas que Poutine a une relation spéciale avec les juifs, mais « il reconnaît qu’ils sont une sorte de force. Pas une force politique ou économique, comme en Amérique. Pour Poutine, les juifs ont une force qui s’appelle l’intelligence. » « La relation avec Israël est importante pour Poutine, » ajoute le rabbin. « Il ne va pas contredire ses intérêts pour Israël, mais maintenir de bonnes relations avec Jérusalem est important pour sa communication. »
En juin 2012, invité en Israël pour une visite de deux jours à la tête d’une délégation de 300 personnes, le président russe s’entretient longuement avec Benyamin Nétanyahou, notamment sur le problème iranien, et souhaite que « le sujet soit résolu pacifiquement pour le bien de toutes les parties ». La Russie a d’ailleurs gelé un contrat de livraison de son système de défense antiaérienne S-300 à Téhéran, se conformant ainsi aux sanctions internationales.
Consacrée officiellement à l’inauguration dans la station balnéaire de Netanya d’un monument à la mémoire des soldats de l’Armée rouge tombés contre l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, et à celle d’un centre culturel russe à Bethléem, la visite de Poutine est surtout destinée à marquer le grand retour de la Russie sur la scène diplomatique au Moyen-Orient.
Dans le « quartier russe » de Jérusalem, les drapeaux russes flottent de nouveau sur le palais Sergueï. Cet ancien hospice pour la noblesse russe, construit au XIXe siècle par le grand-duc Sergueï, frère du tsar, est sur le point d’être restitué à la Russie. Décidée en 2008 par le gouvernement Olmert, cette restitution est vue comme un geste de bonne volonté d’Israël envers le président Poutine.
Poutine, qui avait déjà signé un programme d’exemption de visas avec Israël en 2008, a déclaré au cours de sa visite en Israël qu’il « ne laisserait pas des millions de Russes vivre sous la menace », en faisant référence avec empathie aux périls régionaux auxquels sont confrontés Israël et sa population immigrante russophone.
En juin 2013, le Président russe inaugure la salle du nouveau Musée juif de Moscou, où est transférée une collection de livres sacrés réclamée par les États-Unis, estimant que la controverse était close. M. Poutine avait apporté en février son soutien au transfert de la collection dans ce musée à Moscou, la Russie refusant depuis des années de la remettre au mouvement loubavitch basé à New York, qui la réclame. Une partie de la collection avait été nationalisée à l’époque soviétique et placée dans la Bibliothèque d’État russe. « J’ai pensé à quelque chose tout à l’heure : la décision de nationaliser cette bibliothèque a été faite par le premier gouvernement soviétique, dont la composition était à 80-85 % juive » a fait remarquer Poutine.
Effectivement, le Bureau politique bolchévik qui organisa le coup d’Etat du 7 novembre 1917 comprenait 7 membres dont 4 juifs (57%) et le Conseil des commissaires du peuple qui gouverna dès lors le pays était composé de 22 dirigeants dont 17 juifs (77%).
Boruch Gorin, rabbin loubavitch et Président du Musée juif et du Centre de la Tolérance de Moscou, loue Poutine pour ses financements d’État au profit de son institution. Le président russe a aussi offert un mois de salaire au personnel du Musée. « Poutine a facilité l’ouverture de synagogues et de centres communautaires juifs à travers toute la Russie, à la demande de la communauté juive. Cela a eu un effet durable et profond sur la vie juive, particulièrement à l’extérieur de Moscou », affirme Gorin. « Il a institué des rencontres annuelles avec les dirigeants de la communauté juive et assiste à des évènements communautaires. »
En mars 2014, Berel Lazar est invité à la cérémonie d’ouverture des jeux de Sotchi par le bureau du Président Vladimir Poutine. Lazar avait initialement décliné l’invitation, car il lui était interdit de porter des pièces d’identité durant le Sabbat. Aussi Poutine ordonne-t-il à son équipe de ménager une entrée alternative et libre de toute restriction sécuritaire, juste pour le rabbin.
En mai 2014, Vladimir Poutine promulgue une loi punissant de cinq ans de prison et de 500 000 roubles (14 000 dollars) la négation de la Shoah. La loi, votée par le Parlement russe, vise à sanctionner la réhabilitation du nazisme, la négation des faits énoncés dans le jugement du Tribunal militaire international de Nuremberg et la propagation d’informations notoirement fausses sur les activités de l’URSS pendant la Seconde Guerre mondiale.
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