Ce groupe, Jund al-Khilafa, avait menacé lundi de tuer Hervé Gourdel, un guide de haute montagne de 55 ans, si la France ne renonçait pas "sous 24 heures" à ses frappes aériennes en Irak, un ultimatum rejeté mardi par le président François Hollande.
La vidéo, postée sur des sites jihadistes et intitulée "Message de sang pour le gouvernement français", débute par des images de M. Hollande prises au cours de la conférence de presse durant laquelle il a annoncé les frappes françaises contre l'EI en Irak.
Elle montre ensuite l'otage, agenouillé et les mains derrière le dos, entouré de quatre hommes armés et le visage dissimulé. En quelques mots, il témoigne de son amour pour sa famille. L'un des hommes lit ensuite un message dans lequel il dénonce l'intervention des "croisés criminels français contre les musulmans en Algérie, au Mali et en Irak" notamment. Il affirme qu'au terme du délai accordé à la France pour cesser sa "campagne contre l'Etat islamique et sauver" son ressortissant, le groupe a décidé de le tuer "pour venger les victimes en Algérie (...) et en soutien au califat", proclamé par l'EI sur les régions qu'il contrôle en Irak et en Syrie.
L'Algérie avait déployé ces deux derniers jours quelque 1.500 soldats en Kabylie (nord-est) pour tenter de retrouver Hervé Gourdel. Ce randonneur avait été enlevé au lieu-dit Tizi N'kouilal, un carrefour routier au coeur du parc national du Djurdjura, un haut lieu du tourisme, devenu sanctuaire des groupes armés islamistes dans les années 90.
La mise en scène de sa décapitation ressemble à celles des deux journalistes américains enlevés en Syrie James Foley et Steven Sotloff et du travailleur humanitaire britannique David Haines par des membres de l'EI ces dernières semaines. Jund al-Khilafa a surgi sur la scène jihadiste à la fin août, en publiant un communiqué annonçant avoir quitté Al-Qaïda, dénoncée pour sa "déviance", et proclamé son allégeance à l'EI auquel il est disposé à "obéir au doigt et à l'oeil", selon le texte.
Des journaux algériens ont indiqué mercredi que le principal ravisseur d'Hervé Gourdel serait un ex-conseiller militaire d'Abdelmalek Droukdel, chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Cet homme, Abdelmalek Gouri, alias Khaled Abou Selmane, est âgé de 37 ans et faisait partie d'une cellule d'Aqmi à l'origine des attentats suicide contre le palais du gouvernement et un bâtiment de l'ONU en 2007 à Alger. Il serait également derrière l'attaque qui a coûté la vie à 11 soldats en avril à Iboudrarène, dans la même zone où s'est produit l'enlèvement.
M. Hollande avait rejeté l'ultimatum du groupe jihadiste et affirmé que la France poursuivrait ses opérations en Irak. "Nous ne cèderons à aucun chantage, aucune pression, aucun ultimatum, fût-il le plus odieux, le plus abject", avait-il déclaré à New York. La justice française a ouvert mardi une enquête "pour enlèvement et séquestration en lien avec une entreprise terroriste".
Hervé Gourdel était un guide de haute montagne du parc national du Mercantour, au nord de Nice, passionné de photographie et de voyages. Il organisait notamment des stages dans l'Atlas marocain depuis une vingtaine d'années.
La première communauté musulmane d'Europe "horrifiée"
L'instance de représentation de la première communauté musulmane d'Europe, le Conseil français du culte musulman (CFCM), s'est dite mercredi "horrifiée" après l'annonce, dénonçant un "crime barbare".
"Le CFCM est horrifié par l'annonce dramatique (selon laquelle) notre compatriote Hervé Gourdel vient d'être odieusement exécuté par ses ravisseurs", écrit dans un communiqué l'organisation, qui représente quelque cinq millions de musulmans.
Dans son texte, lu par téléphone à l'AFP, "le CFCM s'associe à la douleur de la famille et à l'ensemble de la Nation devant un tel crime qui ne mérite qu'un châtiment exemplaire par la justice de Dieu et celle des hommes".
Le Conseil, présidé par le recteur de la Grande mosquée de Paris (liée à l'Algérie) Dalil Boubakeur, espère "de tous ses voeux" que "soit mis fin à ces actes barbares par une solidarité entre toutes les nations", poursuit-il. "Je suis dans une colère noire, j'ai la rage contre ces criminels, ces assassins d'une organisation qu'on peut appeler Daesh, Etat islamique, qui n'a rien à voir avec l'islam ni aucune religion", a confié à l'AFP un des responsables du CFCM, Abdallah Zekri.