En plein débat sur le Code du travail, la parole de la présidente du FN est rare. Stratégie ou raté ?
Les ordonnances gouvernementales sur le Code du travail donnent le ton de cette rentrée politique mais le silence assourdissant de Marine Le Pen dans ce débat étonne. La présidente du Front national, revenue de vacances mercredi, a fixé sa propre rentrée au 9 septembre, à Brachay. À l'exception du JT de TF1, annoncé deux jours avant le rendez-vous de Haute-Marne, elle n'a rien prévu de plus dans sa communication.
Mardi dernier, elle est sortie du silence sur Twitter mais c'était pour dénoncer la déprogrammation de l'un de ses conseillers dans l'émission radio de Christophe Hondelatte sur Europe 1 . «@JeanMessiha interdit d'Europe 1: la presse a visiblement un problème avec le pluralisme que suppose la démocratie», a réagi Marine Le Pen.
Contre les ordonnances, combat prioritaire de la rentrée frontiste, le parti a diffusé un tract. «Pour la protection des salariés et contre les attaques de Bruxelles», peut-on y lire, en complément d'un communiqué de «ferme» condamnation diffusé jeudi. Le texte dénonce des ordonnances rédigées «en catimini», une «feuille de route imposée par l'Union européenne», une réforme promettant de précariser «gravement et inutilement» les salariés ainsi qu'une «pilule ultralibérale». Mais la présidente ne s'est pas exprimée personnellement. Et si ses lieutenants, Florian Philippot et Nicolas Bay, ont assuré le service minimum sur les plateaux, les huit députés FN et apparentés n'ont pas donné de la voix.
Parallèlement, les Insoumis ont occupé le terrain, donnant le sentiment d'animer l'opposition la plus énergique, comme ils l'avaient fait lors de leurs premières semaines à l'Assemblée. «La difficulté pour nous est d'apparaître encore plus à gauche que l'extrême gauche sur ce débat. Et si nous restons absents, nous prenons le risque d'apparaître comme trop centrés sur notre propre nombril. Ce n'est pas facile», confie un cadre du mouvement. En interne, certains s'interrogent sur la bonne stratégie.
Stratégie de la parole rare
Aurait-il fallu «préempter» la parole sur le thème du travail ou se concentrer sur d'autres sujets «plus porteurs»? Marine Le Pen, mobilisée par les nécessaires évolutions de son mouvement, serait encore dans la réflexion. C'est ce qui expliquerait sa discrétion.
Pour Gilbert Collard, cette stratégie de la parole rare, comme elle l'avait fait en 2016, serait au contraire choisie et bienvenue. «Il y a une telle bouillie médiatique que Marine Le Pen a raison d'attendre sa rentrée officielle dans le cadre d'un long discours politique de rentrée, à Brachay. C'est une façon d'éviter une parole fragmentée. L'opinion publique est fatiguée de l'éternel prêchi-prêcha médiatique», juge l'avocat. Il affirme avoir refusé «vingt-six invitations» dans les médias durant le mois d'août. À ses yeux, les ordonnances sur le Code du travail «ne vont modifier en rien la structure économique des entreprises». La vraie réforme à mener devrait plutôt viser le conseil des prud'hommes. «En réalité, c'est lui qui terrorise les entreprises mais le gouvernement ne touche pas à cette structure parce que les syndicats l'adorent et le contrôlent», accuse le député FN du Gard.
Marine Le Pen veut incarner la seule opposition crédible face à Macron. Mais avec une telle stratégie, celle qui est sortie fragilisée des deux dernières élections, ne prend-elle pas le risque de se faire déborder par ses rivaux politiques? «Ce n'est pas parce que Mélenchon vient sans cravate à l'Assemblée qu'il incarne une opposition. Les Insoumis réussissent à placer la compagne de Corbière sur C8 mais cela révèle plutôt une opposition de complicité avec le système!» riposte Collard, impatient de voir Marine Le Pen revenir enfin dans l'arène. «À partir de Brachay, ce sera à elle de prendre la parole», prévient le parlementaire.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 02/09/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici