"En l'absence de tels risques, l'émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, et notamment celui commis à Nice le 14 juillet dernier (86 morts, ndlr), ne sauraient suffire à justifier légalement la mesure d'interdiction" décidée à Villeneuve-Loubet (sud-est), a souligné le Conseil d'Etat dans son ordonnance.
"L'arrêté litigieux a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d'aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle", poursuit-il.
Cette décision de dernier recours de la plus haute juridiction administrative française, saluée par les représentants du culte musulman en France, fera autorité pour toute la France où une trentaine de communes ont pris une décision similaire.
Le débat autour du bannissement de cette tenue de bain couvrante portée par certaines musulmanes a suscité d'intenses polémiques en France et à l'étranger, où son interdiction avait particulièrement choqué.
Le Conseil d'Etat a rappelé vendredi à tous les maires qui avaient fondé leur décision sur le principe de laïcité qu'ils ne pouvaient invoquer "d'autres considérations" que l'ordre public, "le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade ainsi que l'hygiène et la décence" pour interdire l'accès aux plages.
C'est une "décision de bon sens", une "victoire du droit, de la sagesse", s'est réjoui vendredi Abdallah Zekri, le secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM), l'instance représentative des musulmans de France.
Cela "va permettre de décrisper la situation, qui était marquée par une tension très forte parmi nos compatriotes musulmans, notamment chez les femmes", a-t-il souligné.
Cette décision "aura vocation à faire jurisprudence", s'est félicité Me Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l'homme, qui avait saisi la plus haute juridiction administrative. "Oui, il y a une atteinte disproportionnée à la liberté des religions et le maire n'avait pas le pouvoir de restreindre cette liberté", a-t-il ajouté.
- 'Ligne rouge' -
Des photos du contrôle mardi par quatre policiers municipaux d'une femme voilée, mais pas en burkini, sur une plage de Nice, publiées en Une du New York Times, avaient suscité un immense émoi dans le monde entier et fait enfler la polémique.
La presse allemande avait évoqué une "guerre de religion" et le maire de Londres Sadiq Khan estimé que "personne ne devrait dicter aux femmes ce qu'elles doivent porter".
Dans un pays qui s'enflamme régulièrement sur la place de l'islam et à dix mois de l'élection présidentielle, la classe politique française s'était engouffrée dans le débat.
L'ex-président français Nicolas Sarkozy, candidat aux primaires de la droite, a qualifié le burkini de "provocation", et proposé de prohiber aussi les signes religieux dans les entreprises, les administrations, les universités.
Le parti d'extrême droite Front national a dans la foulée demandé d'étendre à l'ensemble de l'espace public l'interdiction du port du voile.
La question a divisé jusqu'au sein du gouvernement dont deux ministres ont condamné les décisions des maires, à contre-courant de la position du chef du Premier ministre Manuel Valls qui les soutenait au nom de l'ordre public.
S'exprimant jeudi pour la première fois sur le sujet, le président François Hollande était resté prudent, appelant à ne céder ni à la "provocation" ni à la "stigmatisation", et mettant en avant le "grand enjeu" de "la vie en commun" dans le pays qui compte la plus importante communauté musulmane d'Europe.
Le burkini s'inscrit dans un débat récurrent en France sur la place de l'islam, émaillé de polémiques et de lois. Le pays a été le premier en Europe à interdire, en 2010, le voile intégral dans tout l'espace public. Le foulard islamique avait auparavant, en 2004, été banni dans les écoles, collèges et lycées publics.
"En rejetant une interdiction discriminatoire qui alimente l'intolérance et les préjugés, la décision d'aujourd'hui trace une ligne rouge", a applaudi dans un communiqué le directeur Europe d'Amnesty International, John Dalhuisen. "Ces interdictions n'ont rien à voir avec l'ordre public, en revanche elles incitent à l'humiliation publique", a-t-il estimé.
NdB: La vraie question qui se posera demain est sans doute: "les femmes non-musulmanes auront-elles encore le droit de se baigner en bikini?"
Car la France vient de faire un pas de plus vers l'islamisation et le Grand remplacement.