Publié le vendredi 10 août 2012 à 12H27
Il somme un restaurateur de fermer, avant de le frapper. La police enquête
Le cours Belsunce, où s'est déroulée lundi la triste agression du restaurateur, âgé de 64 ans, qui a été hospitalisé et porte encore les stigmates des violences subies.
Photos Cyril Sollier
Jean-Marc Azer n'en est pas revenu. Cet homme de 64 ans, un Français d'origine égyptienne, mais qui vit ici depuis trente ans et tient un snack cours Belsunce (1er), a été sauvagement agressé lundi après-midi. Un homme qui circulait en voiture s'est arrêté à la hauteur de son commerce. Dans son véhicule, une femme voilée. L'homme vient vers lui et lui intime l'ordre de fermer son commerce.
Pression inhabituelle de la religion
"Au début, je croyais que c'était un client pressé. Il m'a dit : je te conseille de fermer ton magasin, parce que c'est le ramadan et de ne pas servir de nourriture, raconte la victime. Il me parlait vraiment méchamment. Il m'a répété trois fois la phrase. Je lui ai dit : 'On est en France !' Je ne pensais pas qu'il me ferait du mal. Une heure après, il est revenu . J'ai entendu un "clac" sur mon oreille et une douleur soudaine. Il m'avait frappé avec une ceinture métallique".
Le courageux commerçant sera transporté à l'hôpital de La Conception, où il devra recevoir des soins. Il se verra délivrer une ITT de six jours par les médecins. Une plainte a été déposée lundi soir. L'affaire fait grand bruit depuis quelques jours dans le quartier de Belsunce. Les commerçants, qui vivaient jusque-là en bonne intelligence, déplorent cette pression inhabituelle de la religion. "Pourtant, ici, il y a des Musulmans, des Juifs, des Arméniens et d'autres qui sont athées", dit l'un d'eux, soucieux d'anonymat.
"Ce n'est pas une agression ordinaire"
"C'est moi qui ai alerté les autorités. C'est la première fois que ce genre d'histoires arrive. Cet individu risque de faire des émules", commente Maxime Melka, le président de l'association des commerçants du nouveau centre-Belsunce, Colbert, Saint-Louis. Charles Chiarini, trésorier de l'association, est tout aussi consterné : "J'ai tenu plusieurs commerces dans l'hypercentre. J'en ai fait des ramadans ! Mais je n'avais jamais vu cela. L'affaire est grave, parce que ce n'est pas une agression ordinaire."
L'affaire a vite mobilisé le Service départemental de l'information générale (ex-RG). Un enquêteur s'est déplacé mercredi pour rencontrer le commerçant blessé. Les bandes vidéo ont été saisies. Car une caméra est localisée à quelques mètres de là, à l'angle du cours Belsunce et de la rue du Tapis-Vert. A-t-elle filmé la scène ? "Que l'on ait des croyances, c'est une chose, mais on vit dans un État laïque",note Jean-François Illy, directeur départemental adjoint de la sécurité publique.
"C'est la première fois que nous avons ce genre d'agressions sur un restaurateur, déplore le commissaire Georges Gaspérini , responsable du Service de sécurité et de proximité (SSP). On espère que l'enquête va déboucher rapidement et ramener la sérénité dans le quartier. C'est un acte inadmissible tant sur le fond que sur la forme."
L'avis de l'imam de la mosquée du Marché aux Puces : "La religion n'a rien à imposer aux gens."
"La religion n'a rien à imposer aux gens". Interrogé hier, l'imam de la mosquée du Marché aux Puces (15e), Haroun Derbal, a tenu à dire son incompréhension à l'annonce de ce triste événement. "Le texte fondateur en la matièrese trouve dans la première sourate du Coran : 'Nulle contrainte en religion'. On n'a pas à faire cela. Si l'on était dans un État islamique, les choses pourraient être différentes, mais nous sommes en France. Les individus n'ont pas à se substituer à d'autres individus. Dans l'absolu, la religion est un acte de soi-même face à soi-même. On n'a rien à imposer. La force n'existe pas. Elle ne produit que des conséquences négatives. Le Prophète n'a jamais imposé la religion par la force.
C'est une fausse thèse de dire que l'islam s'est propagé par la force. Je condamne cet acte. Sinon, demain, on va dire : tu n'as pas fait ta prière, alors on va te châtier ! Y aurait-il donc un seul restaurant de musulman ouvert pendant le ramadan ? Va-t-on les voir un par un ? Si quelqu'un a six enfants et qu'il ne respecte pas le jeûne, que fait-on ? Non, on peut casser le jeûne et le remplacer un jour ou un autre. C'est pareil pour la prière. Il n'y a que celui qui est infaillible, que celui qui est exemplaire qui peut dire ce qui est interdit ou impossible de faire. Mais personne n'est infaillible, cela n'existe pas ! L'islam doit rester une religion de tolérance. On doit convaincre les gens. C'est le pouvoir de l'argument."
Didier Pachoud, président du GEMPPI, association contre les dérives sectaires, se dit "de plus en plus confronté à des gens sur lesquels on fait pression." "Il ne s'agit pas d'un phénomène marginal. Nous allons d'ailleurs monter une association nationale des victimes de l'islamisme pour la citoyenneté et l'humanisme, qui aura son siège à Marseille."
La Provence