Quatre animateurs avaient été suspendus lundi de leur poste au motif qu'ils observaient le jeûne du ramadan. Mais devant la menace du Conseil français du culte musulman (CFCM) de porter plainte pour discrimination et celle des employés de saisir les prud'hommes, le maire PCF de Gennevilliers, Jacques Bourgoin, a fait machine arrière.
Au cœur de la polémique, l'article 6 du contrat de travail signé par les animateurs, selon lequel l'animateur «veille à ce que lui-même ainsi que les enfants participant à la vie en centre de vacances se restaurent et s'hydratent convenablement, en particulier durant les repas» et doit être «en pleine possession de ses moyens physiques».
La municipalité avait justifié lundi la décision de suspendre ses employés en affirmant que les animateurs «n'ont pas respecté, en cours de séjour, les obligations de leur contrat de travail, pouvant ainsi mettre en cause la sécurité physique des enfants dont ils avaient la responsabilité».
Des contrôles renforcés
«Pour apaiser le débat», la mairie a décidé mardi «de ne pas imposer l'application de l'article incriminé du contrat de travail sur le mois d'août», explique-t-elle dans un communiqué. «Pour conserver ses exigences en termes de sécurité physique des enfants», la mairie renforcera les contrôles dans ses centres de vacances.
«L'article a été mal interprété», a expliqué le maire communiste de Gennevilliers, Jacques Bourgoin. «Tout est parti d'un accident qu'il y a eu il y a deux ans, où deux enfants avaient été blessés parce que la conductrice du minibus, qui jeûnait, avait fait un malaise.» «C'est pour cela qu'on a ajouté cet article au contrat de travail, mais comme l'article apparaît pour certains discriminatoire, on souhaite que le débat soit posé de manière sereine», a poursuivi l'édile.
La mairie a prévu d'organiser à la rentrée une réunion de travail avec la direction départementale de la jeunesse et des sports des Hauts-de-Seine, les organisations syndicales des salariés, les mouvements d'éducation populaire et les collectivités organisatrices de centres de vacances.
Trois questions à Malik Douaoui
Malik Douaoui.
Avocat spécialisé en droit social au sein du cabinet TAJ
Propos reccueillis par Caroline Beyer
Les quatre moniteurs sont-ils victimes de discrimination?
L'employeur est tenu par un principe de «non-discrimination»: les convictions religieuses du salarié ne sauraient donc être un motif de sanction. En revanche, il peut apporter des restrictions à la liberté religieuse, à condition que celles-ci soient «justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché» (article L1121.1 du Code du travail). Le contrat des moniteurs stipulait qu'ils avaient l'obligation de se restaurer et de s'hydrater. L'employeur a-t-il un comportement discriminatoire en prévoyant de telles dispositions? Je ne le crois pas, car il ne le fait pas pour interdire le ramadan, mais pour des raisons de sécurité des enfants. Le salarié ne peut se réfugier derrière ses convictions religieuses pour échapper à ses obligations contractuelles. En mars 1998, la Cour de cassation a ainsi considéré comme justifié le licenciement d'un boucher musulman qui refusait d'être en contact avec de la viande de porc.
Comment évaluer le lien entre jeûne et mise en danger de la vie d'autrui?
À quel point un moniteur qui fait le ramadan n'est pas en mesure d'accomplir ses tâches et de veiller à la sécurité des enfants? Cette appréciation est forcément subjective. Dans la présente affaire, il s'agit de l'intérêt des enfants. S'il y avait un accident lié au malaise d'un animateur, la responsabilité de la commune serait directement engagée. La Mairie a visiblement choisi d'appliquer la manière forte, de ne pas parler, mais de trancher.
Que pensez-vous des suites
de cette affaire?
La requête a peu de chance d'aboutir. Dans les cas de salariées portant le voile, les licenciements intervenus suite à leur refus de l'enlever ont pu être considérés comme légitimes par les tribunaux, le plus souvent parce qu'ils posent des problèmes de sécurité, mais également au nom du principe de neutralité. La France est une république laïque qui souhaite endiguer les manifestations extérieures de la liberté religieuse.
Le Figaro