Publié le jeudi 29 novembre 2012 à 09H10
Deux chirurgiens-dentistes installés dans les quartiers Nord de Marseille sont en garde à vue. Ils auraient commis une fraude à la Sécurité sociale, qualifiée de "colossale", et mutilé certains de leurs patients. Une Aston Martin a été saisie
Les deux chirurgiens dentistes, un père et son fils, installés dans le quartier de Saint-Antoine (15e arr. de Marseille), devraient être présentés aujourd'hui à la juge d'instruction Annaïck Le Goff pour une probable mise en examen.
Photo Guillaume Ruoppolo
Comme dans un mauvais James Bond qui aurait trouvé pour décor les quartiers Nord de Marseille, gendarmes et policiers ont frappé fort hier matin. Ils ont saisi une voiture de collection, une Aston Martin d'une valeur de 250 000 euros. Ils ont surtout interpellé un père et son fils, tous deux chirurgiens dentistes, soupçonnés d'avoir commis une fraude à la Sécurité sociale et aux mutuelles qualifiée de "colossale" de source proche de l'enquête. Une fraude doublée de "violences aggravées" sur des patients qui n'avaient pas particulièrement de problèmes dentaires et que l'on aurait créés pour eux. Tout cela dans le seul but de faire de l'argent. Telle est en tout cas la conviction majeure des enquêteurs, la Section de recherches de la gendarmerie de Marseille, mais aussi le Groupe d'intervention régional (Gir) Provence-Alpes-Côte d'Azur.
L'opération aurait pu, par fidélité au même James Bond, s'appeler "Jamais plus jamais" ou "Dangereusement vôtre", car ce qu'ont découvert les enquêteurs est grave. Deux chirurgiens dentistes qui auraient blessé des patients, multiplié artificiellement les actes médicaux, le plus souvent sur des gens de condition modeste assujettis à la CMU, qui avaient droit à la dispense d'avance des frais. "Ils ont mutilé des gens qui souffrent aujourd'hui dans leur chair, raconte un des enquêteurs. Ils ont même conservé les cartes vitales de certains patients."
Ils ont abusé de la liberté tarifaire en facturant par exemple 28 fois le prix moyen de la couronne, ce qui a mis la puce à l'oreille des autorités sanitaires. Les patients concernés, eux, n'avaient pas osé, jusque-là, saisir la justice, de peur d'avoir à rembourser des frais dentaires importants. Mais les langues ont fini par se délier et gendarmes et policiers ont recueilli divers témoignages circonstanciés. Le but des deux dentistes était de multiplier les actes pour grossir leur chiffre d'affaires. "C'était de l'abattage", confirme un autre enquêteur.
Une fraude supposée de plusieurs millions d'euros
Quatre personnes sont actuellement en garde à vue. Parmi elles, les deux chirurgiens dentistes installés à Saint-Antoine (15e), mais aussi deux personnes présentées comme des complices situées dans leur environnement immédiat. Elles doivent être présentées aujourd'hui à la juge Annaïck Le Goff, en charge du dossier au pôle de santé publique de Marseille, qui devrait leur notifier leurs mises en examen. Le magistrat enquête déjà sur les dérives en matière de prothèses mammaires de la société varoise Poly Implant Prothèse (PIP) et de son président fondateur Jean-Claude Mas.
Les enquêteurs avaient diligenté le 18 juillet une perquisition dans les locaux de ces deux chirurgiens dentistes, en présence d'un représentant de l'ordre, et emporté une série de cartons de documents qu'ils ont mis un soin minutieux à analyser. "On a saisi beaucoup de choses", précise une source proche du dossier, dont deux véhicules. Les enquêteurs devraient maintenant s'intéresser aux ressources et aux biens des deux dentistes. Leurs comptes bancaires ont été bloqués.
L'information judiciaire ouverte par le parquet de Marseille et confiée à la juge Le Goff a retenu les qualifications de "violences aggravées, escroquerie, faux et usage de faux, abus de biens sociaux et fraude fiscale". La fraude à la Sécurité sociale porterait sur plusieurs millions d'euros. La gourmandise est ce qui a, au premier chef, fait plonger les deux dentistes indélicats. La Sécurité sociale ayant détecté des anomalies de facturation, elle a alerté le parquet. Selon nos informations, les deux principaux mis en cause contestent l'essentiel des faits. On n'ose pas penser que, criblés de questions par les enquêteurs, ils aient l'audace de mentir comme... des arracheurs de dents.
La Provence
Ndb: Les noms ne sont pas donnés, mais ce ne sont pas des maghrébins