Vladimir Poutine au siège des Nations unies à New York, lundi. Crédits photo : CARLO ALLEGRI/REUTERS
VIDÉO - À l'ONU, le président Poutine a appelé les Occidentaux à participer à une alliance militaire contre l'État islamique et à soutenir l'armée syrienne.
À Barack Obama, les mots. À Vladimir Poutine, les actes. Lundi matin, au siège des Nations unies à New York, le monde entier n'avait d'yeux que pour le président russe, chef d'orchestre d'une partition audacieuse, inédite, sur le règlement de la guerre en Syrie. À la tribune de l'ONU, le président russe s'est fait fort de présenter dans quelques jours une résolution au Conseil de sécurité afin de «coordonner toutes les démarches contre l'État islamique» par une «véritable coalition mondiale contre le terrorisme».
La veille, Bagdad, cet allié supposé des États-Unis, avait annoncé à la surprise générale la conclusion d'un accord de partage du renseignement entre la Russie, l'Iran, l'Irak et la Syrie. Sans en avoir avisé au préalable Washington. Le Kremlin enfonçait un deuxième coin dans la stratégie américaine en Syrie, désormais en lambeaux, après le déploiement accéléré de moyens militaires russes sur le terrain, pour soutenir Damas.
À 10 heures, Barack Obama s'est adressé devant la 70e Assemblée générale de l'ONU et ses cent quatre-vingt-treize délégations. Il s'est dit «prêt à collaborer avec la Russie et l'Iran», qualifiant cependant le président Bachar el-Assad de «tyran» qui déverse des «barils explosifs» sur son peuple et «massacre des enfants innocents».
Première rencontre Obama-Poutine depuis dix mois
Sitôt son discours terminé, le locataire de la Maison-Blanche a rencontré Vladimir Poutine, pour la première fois depuis dix mois et le sommet du G20 de Brisbane (Australie). Le dernier échange substantiel entre les deux hommes remontait au 17 juin 2013 à Lough Erne (Irlande du Nord) et s'était conclu sur une divergence de vues à propos des origines du conflit syrien. Washington rejette la responsabilité de l'émergence du groupe «État islamique» sur Damas. Moscou renvoie cette responsabilité sur Washington et présente le régime syrien comme le meilleur rempart contre le déferlement islamiste au Moyen-Orient.
La politique du «ni-ni», ni Assad ni Daech, préconisée jusqu'ici par les Occidentaux, est battue en brèche par le magistral coup de dés poutinien
Sans option satisfaisante face à l'abîme, Barack Obama devait s'entretenir avec son ombrageux homologue russe. La forte inimitié personnelle entre les deux Grands ne pèse guère au regard des enjeux au Moyen-Orient. La guerre de Syrie, avec 300.000 morts et ses millions de déplacés, déborde sur les frontières de l'Union européenne, qui encaisse la plus grande crise migratoire depuis la défaite de l'Allemagne nazie en 1945. Daech, quant à lui, étend son influence mortifère. La formation de rebelles syriens modérés par Washington est un fiasco. Poutine n'a pas manqué de le souligner à plusieurs reprises, raillant les livraisons d'armes qui ont fini dans les mains des islamistes.
La politique du «ni-ni», ni Assad ni Daech, préconisée jusqu'ici par les Occidentaux, est battue en brèche par le magistral coup de dés poutinien. Devant l'ONU, celui-ci a qualifié de «grave erreur» l'obstination occidentale à ignorer le gouvernement syrien, rappelant qu'il était «le seul avec les (pechmergas) kurdes» à s'opposer avec succès aux djihadistes.
Malgré les grincements diplomatiques, la nécessité d'un compromis international visant à relancer un plan de paix moribond, au besoin en reprenant langue avec Damas, semblait s'imposer à tous lundi à Manhattan. À défaut d'un partenariat stratégique visant à sceller l'encerclement de Daech et la réduction du «cancer» djihadiste en Syrie-Irak, Américains et Russes pourraient dans les coulisses de l'ONU s'entendre sur une coordination opérationnelle minimale visant à éviter des incidents militaires dans l'espace aérien de la Syrie, ouvert à tous les vents. Difficile d'espérer plus à défaut d'une reconstitution de l'axe stratégique Moscou-Washington.
LE FIGARO