Correspondant à Londres
Les rebondissements de l'après-Brexit n'ont pas pris fin avec l'arrivée de Theresa May à Downing Street. Dès son entrée en fonction, mercredi en fin d'après-midi, elle s'est attelée à la constitution de son équipe gouvernementale. Surprise: elle a nommé au ministère des Affaires étrangères Boris Johnson, son rival pour le poste de premier ministre aux ambitions coupées en vol. Le retour du chef de file de la campagne du Brexit. En confiant cette responsabilité de premier plan à l'ancien maire de Londres, avec qui elle n'a guère d'affinités, la nouvelle femme forte de la Grande-Bretagne affiche son ambition de réconciliation.
En réalité, l'essentiel du travail concret reviendra à un autre partisan du Brexit, David Davis, nommé ministre de la Sortie de l'Union européenne, une fonction créée sur mesure. Il avait été ministre de l'Europe il y a dix ans. Autre eurosceptique, Liam Fox est chargé du Commerce extérieur, un rôle crucial dans le contexte de la sortie de l'UE. Philip Hammond quitte le Foreign Office pour devenir chancelier de l'Échiquier. Son prédécesseur dans l'équipe de Cameron, George Osborne, quitte le gouvernement. Amber Rudd, auparavant en charge de l'Énergie, succède à Theresa May à l'Intérieur.
En arrivant à Downing Street, au bras de son mari Philip, Theresa May, tout juste intronisée par la reine, a tenu un discours rassembleur. Elle a rappelé les liens «précieux» - et menacés par le référendum - entre les quatre nations qui composent le Royaume-Uni. Elle a placé son mandat sous l'impératif de la lutte contre la «brûlante injustice». Une interprétation du vote du 23 juin non seulement comme une rupture avec l'Europe, mais aussi comme le signe d'une révolte populaire contre les élites. Elle veut façonner un pays qui «fonctionne pour tout le monde». Elle a aussi bien sûr souligné l'importance du moment historique et le «grand changement national » qui l'attend. «Alors que nous allons quitter l'Europe, nous serons à la hauteur du défi», a-t-elle promis.
Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a dit sa «hâte» d'accueillir Theresa May à Bruxelles, avec l'espoir d'une relation «fructueuse». Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a évoqué sa volonté de relations «aussi étroites que possible» avec le Royaume-Uni. Il a assuré n'avoir aucune intention «belliqueuse» dans les négociations à venir, tout en rappelant qu'il n'y aurait aucune discussion avant le déclenchement de la procédure officielle de sortie par l'article 50.
François Hollande, qui a téléphoné à Theresa May pour la féliciter, a rappelé son souhait que les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l'UE soient «engagées le plus rapidement possible». Le nouveau premier ministre britannique, qui a également eu un échange téléphonique avec la chancelière allemande Angela Merkel, a répondu par «sa détermination à mettre en oeuvre la volonté du peuple britannique de quitter l'Union européenne». Mais elle a aussi réclamé du «temps afin de nous préparer pour ces négociations», exprimant «son espoir qu'elles se déroulent dans un état d'esprit constructif et positif».
Un «sommet ou une rencontre» sur les suites du Brexit entre le président français, la chancelière allemande Angela Merkel et le président du Conseil italien Matteo Renzi se tiendra fin août en Italie.
«Rester proche de l'Europe»
Interrogé peu avant son départ sur le conseil qu'il donnerait à son successeur, David Cameron lui a recommandé de «rester aussi proche que possible de l'Union européenne dans l'intérêt du commerce, de la coopération et de la sécurité.» «La Manche ne s'élargira pas si nous quittons l'Union européenne», a-t-il poursuivi, rendant hommage aux qualités d'«excellente négociatrice» du nouveau premier ministre.
LE FIGARO