Le métro arrive en station à Richelieu-Drouot. Trois adolescentes bien habillées, tee-shirt à la mode, queue-de-cheval, sac en bandoulière, comme de gentilles écolières, pressent soudain une touriste contre les vitres. L'une d'elles lui donne un petit coup de pied par-derrière. La femme se retourne, tandis que les deux autres gamines vident son sac. Quand retentit la sonnerie de fermeture des portes, les trois harpies bondissent sur le quai, bousculant les adultes, sans se soucier des «Arrêtez-les !» lancés par les rares passagers qui ont compris la scène. Les voleuses à la tire ont encore frappé.
Cet été, dans la capitale, elles ont fait des ravages, des centaines et des centaines de victimes. Au point d'être signalées au préfet de police de Paris, Michel Gaudin. «Ces filles sont un vrai cauchemar, explique un agent. On en compte plus d'une centaine, venues des camps de Roumains et de Serbes qui ont pris racine aux trois quarts en Seine-Saint-Denis, de Montreuil à La Courneuve, en passant par Aubervilliers.» Elles ont jeté leur dévolu sur les lignes touristiques du métro, la 1 et la 4 notamment, sans oublier la portion Champs-de-Mars-Bir Hakeim.
Identification difficile
Les arrêter n'est pas un problème pour la police. «La difficulté, révèle un officier de police parisien, c'est qu'elles sont mineures et qu'elles s'opposent à toute forme de procédure d'identification une fois transférées au poste.»«Avant, explique l'un de ses collègues, en matière de vols à la tire, nous étions confrontés à des adultes de 30 à 40 ans, très professionnels qui se laissaient difficilement prendre certes, mais qui n'opposaient plus de résistance une fois interpellés.» Désormais, l'affaire se corse.
Les délinquantes mordent et griffent les agents dans les locaux de police, leur crachant au visage. Prises en charge par des réseaux qui les ont formées, elles prétendent toutes ou presque s'appeler «Amidovic» et n'avoir pas plus de douze à quinze ans, sachant pertinemment qu'à partir de treize, la garde à vue les guette, et qu'à seize la loi se fait plus rude. Se cachant le visage pour ne pas être photographiées par l'Identité judiciaire, elles refusent toute prise d'empreintes. Une entrave sanctionnée d'un an de prison. «Ce dont elles se contrefichent», constate un enquêteur.
Sentiment d'impunité
Peut-on seulement connaître leur âge ? «Elles se débattent pour échapper à l'examen radiologique des os qui pourrait le révéler. Nous n'allons tout de même pas prendre le risque de leur casser un bras pour les faire tenir tranquilles !», confie ce policier, qui rappelle que l'intervention doit être proportionnée aux risques. Faute de pouvoir les identifier, le parquet est donc contraint d'ordonner leur mise en liberté. «Dans les sept ou huit heures !», ajoute un procédurier, dépité. Ce qui ne fait que renforcer leur sentiment d'impunité. «Et pourtant, dit un officier de police parisien, nous les connaissons très bien de vue, à force de les croiser.»
Dans l'entourage du préfet de police de Paris, on estime qu'une action judiciaire au plan international est indispensable. Pour l'heure, l'une des parades consiste à retenir ces furies quelques heures dans les commissariats pour absence de titre de transport. Quelques heures de répit en plus pour les futures victimes.
Le Figaro - 28 août 2009