Des voix discordantes commençaient à s'élever en France trois jours après l'arrestation en Suisse de Roman Polanski, marquant leurs distances avec le soutien du monde du cinéma et des autorités françaises et insistant sur la gravité des faits reprochés au cinéaste.
Mardi, l'eurodéputé Vert et ancien leader de la révolte étudiante de mai 68 Daniel Cohn-Bendit a critiqué le soutien officiel de la France au cinéaste franco-polonais, interpellé sur mandat américain.
"Il y a eu viol sur une jeune fille de 13 ans. C'est un problème de justice et je trouve qu'un ministre de la Culture, même s'il s'appelle Mitterrand, devrait dire: j'attends de voir les dossiers", a estimé Daniel Cohn-Bendit.
Le ministre français de la Culture Frédéric Mitterrand avait jugé dimanche "absolument épouvantable" l'arrestation de Roman Polanski "pour une histoire ancienne qui n'a pas vraiment de sens", tandis que le chef de la diplomatie Bernard Kouchner avait indiqué lundi avoir demandé sa libération à la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton.
A l'Assemblée nationale, plusieurs élus de la majorité de droite se sont clairement démarqués des deux ministres.
"J'ai été surpris, comme beaucoup de Français, des déclarations, un peu rapides, de deux ministres vis à vis de la justice suisse et la justice américaine", a ainsi dit mardi le député Marc Laffineur.
Roman Polanski, 76 ans, a été arrêté samedi à sa descente d'avion à Zurich où il devait recevoir un prix pour l'ensemble de son oeuvre.
Recherché par la justice américaine après une procédure ouverte en 1977 pour des "relations sexuelles illégales" avec une adolescente de 13 ans, il pourrait, dans les 40 jours, être extradé vers les Etats-Unis. Il s'est opposé à son extradition et ses avocats ont déposé mardi une demande de mise en liberté.
Alors que les amis du réalisateur ont dénoncé un "traquenard policier" dans une pétition qui avait recueilli mardi quelque 110 signatures, une partie de la presse française s'est étonnée du fait qu'on puisse envisager une "immunité artistique".
"Génial et sympathique, Polanski n'est pas au-dessus des lois", affirme dans un éditorial le journal régional Le Télégramme, soulignant qu'outre-Atlantique, "on ne plaisante pas avec la loi, que l'on soit pauvre ou puissant".
"Peut-on à ce point être oublieux de la tragédie vécue par une gamine de 13 ans au point de n'en faire qu'une sorte de péripétie, d'accident de parcours dans la vie du "génie"? Un viol, c'est jamais génial", assène La Charente libre (sud-ouest), tandis que La République du Centre s'étonne de voir des intellectuels vouloir instaurer une "excuse de notoriété".
Ces journaux régionaux mettent ainsi en garde contre une coupure entre les "élites intellectuelles parisiennes" et l'opinion.
C'est cette logique de classe que dénonce le Front national. La vice-présidente du parti d'extrême droite, Marine Le Pen, a dénoncé "le fait d'appartenir à la caste surprotégée du show-biz" qui exonérerait "ses membres de respecter les lois".
Plus nuancé et l'un des rares à se démarquer parmi les cinéastes, le réalisateur Luc Besson a dit son "affection" pour Roman Polanski tout en estimant que la justice devait "être la même pour tout le monde".
Arrêté en 1977 à Los Angeles sur plainte des parents de la jeune Samantha Geimer, Polanski avait plaidé coupable de "relations sexuelles illégales" et passé un mois et demi en prison. Fin janvier 1978, il avait fui en Europe, où il circulait librement depuis.
AFP. 29.09.09