Fermetures de centres pratiquant l'IVG, refus de prise en charge par des médecins, rendez-vous tardifs: se faire avorter relève du "parcours du combattant" en France, selon plusieurs acteurs du secteur, et en particulier à Paris où la mairie a présenté jeudi un plan d'action.
Fatima Lalem, l'adjointe à la mairie de Paris chargée de l'égalité femmes-hommes qui a présenté le plan, dénonce "une offre de service défaillante" dans la capitale, et même "une dégradation" de l'accès à l'IVG (interruption volontaire de grossesse).
Elle montre du doigt "les tabous qui perdurent" et "un désinvestissement des médecins, les militants des années 70 étant partis à la retraite". "L'avortement, ce n'est pas la partie noble de la gynécologie et il y a un problème de coût", lance-t-elle. Une fausse-couche coûte 600 euros, le double environ d'un avortement, assure l'élue, laissant entendre que l'IVG rapporte moins.
Immonde!
Elle dénonce la fermeture de centres pratiquant l'IVG, notamment dans les cliniques, et des délais trop longs pour obtenir un rendez-vous.
Pourtant en Ile-de-France, le taux d'IVG pour 1.000 femmes est de 19 contre 14 en France métropolitaine. En 2007, il y a eu 13.700 avortements dans la capitale et 57.000 en Ile-de-France. Il y en a eu 209.700 en 2006 en France.
Comme Fatima Lalem, Sérénade Chafik, du Mouvement français pour le Planning familial, qualifie de "parcours du combattant" l'accès à l'IVG.
"La loi n'est pas appliquée: à partir de huit semaines de grossesse, ça devient difficile de trouver un médecin qui accepte de pratiquer l'avortement", dit-elle, alors que l'IVG est autorisée jusqu'à la fin de la douzième semaine de grossesse depuis 2001.
Et entre le moment où la femme prend conscience de sa grossesse et l'IVG, il peut s'écouler plusieurs semaines, dit-elle, puisqu'il faut consulter son médecin traitant, faire une échographie avant de se rendre dans un centre pratiquant l'IVG, où il faut patienter pour un premier rendez-vous.
Selon le Planning, chaque année, entre 3.000 et 5.000 femmes sont contraintes d'aller à l'étranger.
En réaction, la mairie de Paris développe l'IVG par voie médicamenteuse, sans hospitalisation, dans les centres de planification, ce qui est permis depuis un décret paru en mai. Cela sera possible dans cinq centres d'ici la fin de l'année, puis dans les 18 autres.
"C'est très bien, ça va améliorer l'accessibilité à l'IVG", se félicite Martine Beauplet, sage-femme chargée par le département des centres de planification. L'acte est gratuit pour les femmes non assurées.
Mais l'IVG par voie médicamenteuse est réalisable seulement jusqu'à la fin de la cinquième semaine de grossesse, contrairement à celle par voie chirurgicale (aspiration utérine), possible jusqu'à 12 semaines.
"Il faut voir tôt la grossesse puis réagir vite pour la voie médicamenteuse", reconnaît Mme Beauplet, qui insiste donc sur "la nécessité de faire quelque chose" pour l'IVG chirurgicale. Comme de nombreux acteurs du secteur, elle interpelle le gouvernement sur ce sujet.
D'autres insistent sur la nécessité d'améliorer la prévention pour faire baisser le nombre d'avortements, stable depuis 2002.
Pour le Dr Michel Teboul, gynécologue à l'hôpital Broussais dont le centre IVG a fermé jeudi, "l'important, c'est de bien s'occuper des femmes qui ont recours à l'avortement et non de réduire à tout prix le nombre d'IVG". Pour lui, s'il reste stable, c'est aussi parce que les femmes ne se résignent plus à une grossesse indésirable, ce qui est positif".
AFP. 27.08.09