Surnommé "le berger allemand" par ses détracteurs, Benoît XVI présente un visage plus "humain", entrouvrant la porte sur l'usage du préservatif, sans jamais s'écarter de la doctrine de l'Eglise, relèvent les experts à la lecture de "Lumière du monde", présenté mardi.
Utilisation du préservatif, pédophilie dans le clergé, relations avec l'Islam, réintégration de l'évêque négationniste Williamson... Avec parfois des intonations autocritiques mais plus sur la façon de communiquer que sur le fond, le pape y revient sur les grandes polémiques qui ont traversé son pontificat depuis avril 2005.
Ce livre-entretien "est né des crises répétées, avec les juifs, les musulmans et aussi l'opinion publique sur la pédophilie ou le préservatif", estime Marco Politi, vaticaniste de Il Fatto, selon qui Benoît XVI, 83 ans, s'est senti contraint "d'ouvrir un canal de communication avec le monde".
On se souvient de la tempête soulevée lors de son voyage au Cameroun lorsque Benoît XVI estimait que la distribution de préservatifs "aggravait" le sida. Aujourd'hui, il admet l'usage du préservatif "dans certains cas" pour éviter la contagion du sida.
"Une avancée considérable", selon Politi qui relève que "c'est bien la première fois qu'un pape admet aussi clairement l'utilisation du préservatif, même si nombre d'évêques ou de cardinaux l'avaient déjà dit".
"Le livre démantèle complètement l'image de Ratzinger obscurantiste, rétrograde", juge le vaticaniste Sandro Magister. "Il a une volonté de comprendre le monde et le seul exemple qu'il cite sur le préservatif, celui d'un ou d'une prostituée, montre sa bonté, même envers le pécheur", ajoute-t-il.
Avec une grande prudence, Benoît XVI suggère aussi "une réflexion" sur l'interdiction aux personnes divorcées de recevoir la communion.
Reste qu'"il n'y a aucune ouverture" sur les grands sujets qui agitent la société, reconnaît Magister. La sexualité? Elle a pour unique objet la procréation. La contraception? l'Eglise approuve uniquement "la régulation naturelle des naissances", rappelle le pape. L'homosexualité? Elle "s'oppose à la volonté de Dieu et est inconciliable avec la vocation de prêtre". L'ordination des femmes? Il ne peut en être question, "c'est une volonté de Dieu".
Toutefois, loin de l'image du "panzer cardinal", de "gardien du dogme" ou de "grand inquisiteur", autant de qualificatifs qui lui ont collé à la peau depuis qu'il a succédé au charismatique Jean Paul II, Joseph Ratzinger révèle ses interrogations et parfois ses "peurs".
Il reconnaît avoir prononcé un discours "plus académique que politique" à Ratisbonne, sur Islam et violence, et affirme que catholiques et musulmans sont "engagés aujourd'hui dans une lutte commune, la défense des valeurs religieuses". Sur la levée de l'excommunication de Mgr Williamson, il reconnaît "ne pas avoir pris conscience de qui il s'agissait".
Et surtout dit avoir conscience de ses propres faiblesses. Il aborde même le sujet d'une éventuelle démission "quand un pape en vient à reconnaître qu'il ne peut plus assumer sa charge physiquement, psychiquement et spirituellement".
"Ce sont des questions qui ont déjà été abordées par Paul VI ou Jean Paul II, mais toujours dans des comités ultra-restreints. Pour la première fois, un pape envisage publiquement de ne pas être élu à vie, s'il sent qu'il n'a plus les forces pour guider un milliard de personnes", analyse Politi.
Des propos qui, tenus par un pape "vieilli, fatigué, qui a une tâche très lourde", selon l'auteur du livre, le journaliste allemand Peter Seewald, prennent une résonnance particulière.
AFP. 23/11/10