Laurent Gbagbo a exigé samedi le départ "immédiat" de Côte d'Ivoire des Casques bleus de l'Onuci et de la force militaire française Licorne, alors que la communauté internationale le somme de céder le pouvoir au plus vite à son rival Alassane Ouattara.
Après l'élection controversée du 28 novembre, Gbagbo et Ouattara, reconnu président par l'ONU et la France notamment, se disputent le pouvoir. Leur duel a déjà débouché jeudi sur des violences ayant fait au moins onze morts et des scènes de guerre à Abidjan et dans l'intérieur du pays.
"Le président de la République de Côte d'Ivoire vient de demander le départ immédiat de l'Onuci (quelque 10.000 Casques bleus, ndlr) et des forces françaises (environ 900 hommes) qui la soutiennent", selon un communiqué du gouvernement Gbagbo lu à la télévision d'Etat RTI.
Il a accusé l'Onuci, "agent de déstabilisation", d'avoir transporté et fourni des armes pour l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), alliée à Ouattara.
"La récréation est terminée!", a déclaré de son côté Charles Blé Goudé, leader de la jeunesse pro-Gbagbo, illustrant le durcissement de son camp, de plus en plus isolé sur la scène internationale mais qui garde les commandes du pays.
"Nous allons défendre la dignité et la souveraineté de notre pays jusqu'à la dernière goutte de notre sueur", a affirmé le chef des "jeunes patriotes" et ministre de la Jeunesse de Gbagbo.
"Je demande à tous les Ivoiriens de s'apprêter à livrer ce combat", a poursuivi celui qui fut le fer de lance de violentes manifestations anti-françaises en 2003 et 2004 et reste soumis à des sanctions de l'ONU.
Dans l'après-midi dans le quartier pro-Gbagbo de Yopougon, il a réuni plusieurs centaines de partisans très remontés qui criaient: "Licorne dehors!", "Onuci dehors!"
Blé Goudé a promis d'effectuer une tournée dans Abidjan pour "appeler les "patriotes", avant vendredi, à libérer totalement la Côte d'Ivoire".
"Gbagbo ne partira pas et ne partira jamais", a-t-il juré, accusant le président français Nicolas Sarkozy et l'ONU de préparer "un génocide".
Autre signe d'une montée de la tension: une patrouille de l'Onuci, puis le siège même de l'opération à Abidjan, ont essuyé dans la nuit de vendredi à samedi des tirs d'"hommes armés vêtus de tenues militaires et voyageant dans un véhicule civil", a annoncé l'Onuci.
La demande par Gbagbo du départ des "Forces impartiales" n'"engage" pas la Côte d'Ivoire car il "n'est pas" le président, ont répliqué les FN.
Le camp Ouattara a appelé les siens à rester "mobilisés" malgré l'échec d'une tentative de marche sur la RTI et le siège du gouvernement, aux mains du chef de l'Etat sortant.
La marche a été réprimée dans le sang jeudi par les Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à Gbagbo et le bilan de cette journée se situe entre 11 et une trentaine de morts, manifestants, FN et FDS, selon diverses sources.
Après avoir été ville morte vendredi, Abidjan était samedi à l'image du grand marché du quartier populaire de Koumassi (sud): l'activité avait repris, même si l'affluence n'était pas celle d'un samedi juste avant Noël.
L'ONU, l'Union africaine, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ainsi que l'Union européenne et les Etats-Unis - qui ont brandi la menace de sanctions - ont haussé le ton vendredi pour obtenir le départ de Gbagbo.
Nicolas Sarkozy a prévenu que Gbagbo devait partir "avant la fin de la semaine". Sinon, il figurera "nommément" avec son épouse Simone sur la liste des personnes visées par des sanctions de l'UE, a-t-il dit.
Quinze mille Français vivent en Côte d'Ivoire.
En visite vendredi à Abidjan, le président de la Commission de l'UA, Jean Ping, avait remis à Gbagbo une lettre du président en exercice de la Cédéao, le chef de l'Etat nigérian Goodluck Jonathan, lui demandant de quitter le pouvoir "immédiatement".
AFP. 18/12/10