Sarkozy - Kadhafi : les révélations de Mediapart
Selon un document officiel libyen daté du 10 décembre 2006, auquel Médiapart a eu accès, le régime Kadhafi a décidé de débloquer une somme de 50 millions d'euros pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.
Dans une note publiée samedi 28 avril par Mediapart, Moussa Koussa, alors chef des services de renseignements extérieurs libyens, autorise le directeur de cabinet de Kadhafi, Bachir Saleh, à entreprendre des versements secrets. Moussa Koussa évoque dans ce document des réunions préparatoires avec Brice Hortefeux et l'intermédiaire Ziad Takieddine. « Ce document prouve qu'on est en présence d'une affaire d'Etat », confirme ce dernier à Mediapart.
Un document unique non détruit
Le régime de Mouammar Kadhafi aurait donc bel et bien décidé de financer la campagne présidentielle du candidat Nicolas Sarkozy en 2007. Comme l'affirme Mediapart, cette note est issue des archives des services secrets et date d'il y a plus de cinq ans. L’en-tête et le blason vert de la Jamahiriya préimprimés s’effacent d’ailleurs légèrement. Ce document, avec d’autres, a échappé aux destructions de l’offensive militaire occidentale. D’anciens hauts responsables du pays, aujourd’hui dans la clandestinité, ont accepté de le communiquer à Mediapart durant la semaine du 23 avril 2012.
“Appuyer la campagne électorale” de Nicolas Sarkozy
Dès 2006, le régime libyen aurait choisi « d’appuyer la campagne électorale » de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, et ce pour un « montant de cinquante millions d’euros » : c’est ce qu’indique en toutes lettres cette note datée du 10 décembre 2006, signée par Moussa Koussa, l’ancien chef des services de renseignements extérieurs de la Libye. Un accord « sur le montant et les modes de versement » aurait été validé quelques mois plus tôt par Brice Hortefeux, à l'époque ministre délégué aux collectivités locales, en présence de l’homme d’affaires Ziad Takieddine, qui a introduit dès 2005 en Libye les proches du ministre de l’intérieur, notamment Claude Guéant, et Nicolas Sarkozy lui-même. Le directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi, Bachir Saleh, alors à la tête du Libyan African Portfolio (LAP, soit l'un des fonds d'investissement financier du régime libyen), aurait de son côté été chargé de superviser les paiements.
“On est en présence d'une affaire d'Etat”
« Mon client n'était pas présent à la réunion indiquée dans le document, nous a indiqué Me Samia Maktouf, l’avocate de Ziad Takieddine. En revanche, il pense que ce document est crédible, vu la date et les personnes qui apparaissent dans ce document outre lui-même ». « Ce document prouve qu'on est en présence d'une affaire d'Etat, que ces 50 millions d'euros aient été versés ou non », a lui-même affirmé Ziad Takieddine, rencontré par Mediapart le vendredi 27 avril 2012.
“J'ai les éléments et je n'hésiterai pas à les sortir”
Dans un entretien accordé le 25 avril à l’hebdomadaire Jeune Afrique, Ziad Takieddine déclare avoir été informé en mars 2011 par Saif al-Islam Kadhafi de l’existence d’un « versement d’argent » pour la campagne présidentielle du candidat UMP Nicolas Sarkozy en 2007. « Lors de ma dernière rencontre avec Seif al-Islam que j'ai interrogé, il m'avait bien dit: “J'ai les éléments et je n'hésiterai pas à les sortir” », explique Ziad Takieddine à Mediapart. En réalité, il ne pensait pas que Nicolas Sarkozy irait jusqu'au bout. On peut penser que c'est pour cette raison que le système a protégé Bachir Saleh (exfiltration et production d'un passeport diplomatique) et qu'ils ont essayé par tous les moyens de tuer Saif al-Islam qui a été à l'origine de ces révélations. Par ailleurs, cela explique l'accueil que Monsieur Claude Guéant m'a réservé dès mon retour de Libye, en m'arrêtant à l'aéroport (le 5 mars 201, ndlr), car il pouvait penser que j'étais moi-même en possession de ces documents, pour pouvoir les subtiliser ».