Le président de Souveraineté, indépendance et libertés (SIEL), un nouveau petit venu sur la scène partisane qui soutenait la candidature de Marine Le Pen au premier tour, a bien voulu répondre en exclusivité aux questions des Nouvelles de France. Rencontre :
Paul-Marie Coûteaux, comment vous sentez-vous en ce lendemain de premier tour ?
Satisfait. Marine Le Pen a réalisé un bon résultat, contrairement à ce qu’annonçaient des sondages honteusement manipulateurs; ce 18% est conforme à nos espérances, même si j’aurais aimé que nous attirions une plus grande part de l’électorat de la droite traditionnelle, libérale et urbaine (par exemple nos résultats de Paris, 6,5%, sont très insuffisants), électorat qui nous a fait défaut sans doute par un réflexe de « vote utile » devant la menace du vote Mélenchon, lui-même très grossi pendant les deux derniers mois. Je pense que ce genre d’épouvantail ne nous gênera plus lors des législatives.
Aujourd’hui, Marine Le Pen est en position d’arbitre et tout le monde ne parle plus que du rassemblement qu’elle a lancé, afin d’élargir son périmètre habituel comme elle vient de commencer à le faire, et de former peu à peu le grand rassemblement national à vocation majoritaire qui sera de plus en plus nécessaire à la France. C’était le pari du SIEL : ces quelque six millions et demi d’électeurs montrent que, lorsque le FN s’ouvre à des formations comme la nôtre, il sort de son isolement, isolement qui m’a toujours paru délétère. De tout cœur, je souhaite maintenant trouver un terrain d’entente avec Nicolas Dupont-Aignan qui a fait un bon score (1,8%), bien supérieur à ce que lui promettaient les instituts de sondages. Lui et son mouvement Debout la République, créé en 1999, n’ont guère d’autres perspectives, me semble-t-il, que de ce joindre au rassemblement national dont je viens de parler, au sein duquel leur rôle serait très grand. D’ailleurs, étant donné la similitude de leur projet, je crois raisonnable d’additionner le score de Marine et de « NDA », ce qui situe le Rassemblement national à un premier palier prometteur, autour de 20%.
C’est un appel que vous lancez au candidat souverainiste ?
Oui. Je vais lui lancer un appel plus solennel cette semaine mais je suis heureux que Nouvelles de France le connaisse avant les autres. Ce sera un appel au réalisme pour dire aux nationaux, aux gaullistes et aux souverainistes dispersés : « Assez des aventures solitaires ! » Je ne demande à personne d’entrer au FN, pas plus que je ne l’ai fait. Je propose d’accepter enfin d’entrer dans une alliance.
Savez-vous si Marine Le Pen va appeler à voter pour un candidat lors du défilé en l’honneur de Sainte Jeanne d’Arc le 1er mai ?
Nous allons le déterminer ensemble avec l’équipe de campagne. Je souhaite pour ma part que l’on commence à faire baisser d’un cran les tensions, l’animosité, le mépris, qui existe de la part de certains cadres de l’UMP vis-à-vis de Marine le Pen. Nicolas Sarkozy sait bien que s’il veut être élu, il lui faut que 80 ou 90% des électeurs de Marine Le Pen se reportent sur sa candidature au deuxième tour. Pour y arriver, je lui conseille de changer de langage et de faire taire les petits personnages qui, très loin des enjeux de l’histoire, ne cessent de nous insulter. M. Guéant nous a traité il y a quelques semaines de « nationaux » et « socialistes », bref de nazis. Nathalie Kosciusko-Morizet, confirmée dans ses fonctions de porte-parole de Nicolas Sarkozy a publié un ouvrage proprement insultant sur Marine le Pen et a même déclaré que, si le deuxième tour devait opposer Madame le Pen à François Hollande elle voterait pour ce dernier. Et nul n’a oublié que Nicolas Sarkozy a promis débarrasser la France du Front national. Mépris, mépris, mépris, et finalement méprise : la faute morale se traduit en faute politique…
J’en passe, en fait d’insultes et d’outrances, elles ne cessent pas : ce matin encore, Henri Guaino traitait les électeurs de Marine le Pen de désespérés et de paumés – ce qui est aussi faux que politiquement stupide. Comment voulez-vous que, dans ces conditions, nous appelions à voter pour M. Sarkozy et les siens ? C’est sans doute dommage, car il faudra bien un jour ou l’autre refermer le piège ouvert par François Mitterrand et réunir les patriotes – il y en a à l’UMP ! Pour l’heure, impossible, personne ne comprendrait et personne ne suivrait.
Ce mépris, cette animosité existent-ils aussi au FN ?
Certainement, et ils se nourrissent des insultes que je viens d’évoquer (cas typique des altercations où les récriminations des uns nourrissent les superlatifs des autres), sans compter des épisodes ahurissants comme le Traité de Lisbonne qui fut une véritable claque de M. Sarkozy aux Français qui avaient dit non à la Constitution européenne en 2005, à commencer par nous autres souverainistes…
Je souhaite que le ton change car nous sommes confrontés à une situation angoissante, la perspective d’une gauche socialo-communiste hégémonique qui, déjà, domine les institutions culturelles (Université, édition, médias) et par là, la sphère politique : la gauche dirige la majorité des grandes villes, des départements, des régions, le Sénat… L’UMP a mal manœuvré, notamment en ne menant pas le combat intellectuel, en restant très faible sur le terrain des idées, ce qu’elle ne peut pas ne pas payer très cher sur le terrain politique. « Au fond des victoires d’Alexandre, on trouve toujours Aristote » disait De Gaulle : le moins que l’on puisse dire est qu’on n’aperçoit guère d’Aristote au fond de l’UMP – qui a commencé par supprimer la revue du RPR, Une certaine Idée, que je dirigeais du temps de Philippe Séguin… Bref, cette UMP qui ne produit rien, qui ne s’intéresse pas aux idées (M. Sarkozy le premier…), qui multiplie les risettes à la gauche (souvenez-vous de Kouchner, de Rachida, Rama et autres Amara, voyez Mitterrand, Carla, et les nuées de réprésentants de la gauche mondaine parmi lesquels baigne tout ce petit monde) et qui insulte le peuple de droite, que peut-on pour elle ? Elle risque de n’avoir été qu’une étourderie de l’Histoire…
Et vous, Paul-Marie Coûteaux ? À titre personnel ?
Je ne sais ce que je ferai le 6 mai. Je voudrais d’abord obtenir un changement de ton ( y compris de la part des députés de la Droite Populaire pourtant si proches de nous – et dont le programme est à peu de choses près le même que celui du SIEL); je souhaite que l’UMP soit un parti de droite qui cesse d’insulter la droite, le peuple de droite, les valeurs de la droite, et les intellectuels de droite. Il faudrait aussi qu’elle donne des garanties sur plusieurs sujets majeurs : l’Union européenne, l’immigration, le redressement de l’Ecole et de l’Université française, le rétablissement des enseignements classiques, et, comme l’a fait le SIEL, prenne quelques engagements sur les « points non négociables » énoncés par Benoît XVI. Ce sont les conditions pour commencer à discuter – mais, à douze jours du second tour, il est bien trop tard…
Que pensez-vous de la chronique d’Éric Zemmour qui expliquait lundi matin sur RTL que Marine Le Pen voulait faire exploser l’UMP pour participer à la recomposition de la droite qui suivra ?
L’explosion de l’UMP, si elle se produit en cas de défaite de Nicolas Sarkozy, n’est pas de notre responsabilité, mais résulte des faiblesses dont je viens de parler. Comme il faut tout envisager, nous ne sommes pas hostiles aux discussions avec ceux des cadres, élus ou parlementaires UMP qui voient bien que leur formation n’est plus capable de résister à la gauche, et s’est même laissée gagnée par l’hégémonie culturelle de la gauche. Il faut d’abord qu’ils l’admettent et qu’ils s’émancipent…
Une réaction sur le score de Jean-Luc Mélenchon ?
Le résultat de Jean-Luc Mélenchon montre que les instituts de sondages sont des machines de propagande. Leur but en l’occurrence, était de faire peur aux électeurs de droite. Opération montée de toutes pièces, car, malgré toute sa haine (ou à cause d’elle?), Jean-Luc Mélenchon n’a pas vraiment élargi le périmètre de l’extrême-gauche, inférieur à sa moyenne électorale sous la Vè république. Cependant, restons vigilants face à toute recomposition de la gauche socialo-communiste, dont la perspective s’éloigne par le faible score de M. Mélenchon, mais dont l’avènement serait mortel pour la France.
Que pensez-vous du fait que la gauche radicale puisse tout à fait s’allier avec la gauche parlementaire tandis que la droite nationale n’a, elle, moralement pas le droit de s’allier avec la droite parlementaire ?
Malheureusement, le piège installé par Mitterrand il y a bientôt 30 ans continue de marcher; les droites se stigmatisent les unes et les autres. C’est une aberration, mais pour l’instant, et pour les raisons développées plus haut, je n’y peux rien.
Le score de François Bayrou a déçu ses soutiens. Il s’agissait pourtant d’un candidat sérieux…
Un candidat sérieux, sans aucun doute. Mais François Bayrou a-t-il mené une campagne sérieuse ? Outre le fait que je ne crois plus à la stratégie électorale « ni droite ni gauche », je ne trouve pas sérieux de proposer de produire et d’acheter français quand on est européiste : François Bayrou sait bien que la Commission européenne passe son temps à interdire la moindre « préférence », qu’elle qualifie de distorsion de concurrence. C’est à cause de lui et de ses amis démocrates-chrétiens que la belle idée de l’Europe est, hélas, durablement gâchée. Je dis cela sans ironie car je crois en l’Europe qui, à condition qu’il s’agisse d’une Europe européenne, qui ne dissolve pas les nations, dans laquelle l’Allemagne ne soit pas hégémonique et qui ne soit pas à la botte des Etats-Unis, demeure une nécessité. C’est avec la belle idée européenne qu’il faut à présent être sérieux.
Si vous deviez en choisir un, quel souvenir voudriez-vous garder de cette campagne avec Marine Le Pen ?
Sans hésitation, je repense et repenserai longtemps à la visite qu’a rendue Marine Le Pen, le lundi de Pâques dernier, au village de Brachay (Haute-Marne), 69 habitants, la deuxième commune à avoir le plus voté FN au premier tour de l’élection présidentielle de 2007. Nous voulions visiter une exploitation agricole et remercier le maire, qui a donné son parrainage à Marine; nous pensions nous retrouver dans une salle des fêtes avec 40 ou 60 personnes. Mais l’édile a préféré installer des tréteaux sur la place du village et, bien que nous n’ayons pris la décision de venir qu’à peine trois jours plus tôt et n’avions guère annoncé ce déplacement, nous avons découvert que des centaines de personnes nous attendaient; peu à peu, entendant dire que Marine était là, d’autres villageois des alentours affluaient; il en venait de toutes parts, en voiture, en mobylette, en vélo. A la fin, ils étaient 600, peut-être plus, massés sur la place du village. Nous avons vu ce jour-là le visage d’une France qui souffre et se sent abandonnée. D’une certaine façon, c’est la France que je préfère, celle du moins qui me touche le plus. Marine Le Pen a d’ailleurs réalisé dimanche dernier 28,8% dans cette circonscription dans laquelle je serai candidat pour le Rassemblement. Je vous assure, c’était vraiment bouleversant de voir ces personnes accourant des villages alentours, arrêtant le travail pour venir nous serrer la main, et souvent nous embrasser. Marine puis moi nous sommes adressés à cette foule émouvante sur le thème : « Nous ne vous abandonnerons jamais ». Leur parlant du haut de cette estrade improvisée, je fus pris par les larmes. C’est la plus grande beauté de la politique, dire aux gens de son peuple : « Vous ne serez pas abandonnés ! ».
Nouvelles de France