Chronique hebdomadaire de Philippe Randa
Nombreux sont les Français qui s’indignent des scandales politiques à répétition, qu’ils se passent au sommet de l’État – de Stauss-Kahn à Cahuzac, de Woerth à Sarkozy, de Lagarde à Tapie – ou en région comme dans les Bouches-du-Rhône – d’Andrieux à Guérini, de Ciot à Medvedowsky – ou bien encore des médiocres crises d’ego au sein des partis de gouvernement : présidence de l’UMP, à droite ; limogeage de la Ministre Delphine Batho pour insurbordination budgétaire, à gauche.
La cadence d’apparition sur la scène publique des affaires, scandales et autres joyeusetés judiciaires et/ou morales semble s’accélérer depuis l’élection de François Hollande à la Présidence de la République… Sans compter les anciennes enquêtes toujours en cours, comme celle des rétrocommissions sur les ventes par la France de frégates à l’Arabie Saoudite et de sous-marins au Pakistan…
Car une affaire médiatique en chassant une autre, constatons que chacune d’elle, après avoir défrayé la chronique et embarrassé plus ou moins longuement son ou ses protagoniste(s), aboutit rarement aux condamnations attendues…
Il a suffit, outre-Atlantique, à l’inculpé de viol Dominique Strauss-Kahn de payer pour que cessent les poursuites à son encontre… et en France, au même inculpé – cette fois pour des parties fines avec professionnelles rémunérées – de ne même pas attendre que soit prononcé le non-lieu requis par le Parquet de Lille, pour se rendre à une invitation à prendre la parole au Sénat.
Tout comme sont également attendus les non-lieux en l’absence de charges requis par le parquet de Bordeaux dans l’affaire Bettencourt, en faveur cette fois de l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, de l’ex-ministre Éric Woerth, ainsi que de l’homme d’affaires Stéphane Courbit et de l’avocat Pascal Wilhelm…
Quant à Jérôme Cahuzac, lui, rappelons qu’il n’est finalement mis en examen que pour blanchiment de fraude fiscale, mais comme il n’a pas menti à ce propos devant les juges chargés de la procédure, il risque tout au plus une amende, alors que pour son crime le plus grave – avoir ridiculisé par son mensonge les élus de la Nation alors qu’il occupait le poste prestigieux de Ministre du Budget, donc d’avoir bafoué une des plus hautes institutions de la République – aucune sanction n’est prévue.
Et dans le même temps, sont jetés en prison des gosses à peine majeurs, tel Nicolas de la Manif pour tous, coupable d’avoir manifesté contre François Hollande et refusé de se soumettre à un test de salive… ou Esteban, agressé avec sa compagne, comme cela ne fait désormais plus aucun doute, par une bande de nervis gauchistes et dont le seul tort, pour s’être défendu, est d’avoir donné un coup de poing mortel dans la confusion de la bagarre…
Et dans le même temps encore, la classe politique européenne vient de lever l’immunitée parlementaire de Marine Le Pen pour sa déclaration comparant les prières de rues des islamistes en France à l’occupation allemande…
Que craint-on ? Que des Français en arrivent à considérer que les défilés au pas de l’oie de la Wehrmacht étaient somme toute moins dérangeants – et peut-être plus esthétiques aussi – que les culs en l’air des barbus fanatiques au milieu des chaussées de leur pays ?
Horresco referens ! Il serait à l’évidence citoyennement inadmissible que les avis soient de plus en plus partagés sur la question… plus de soixante-dix ans plus tard !
Il est en revanche moralement admissible que le Sénat français refuse, de son côté, la levée de l’immunité parlementaire de Serge Dassault dans le cadre d’une enquête sur une affaire d’achats de voix et une autre de tentatives d’homicides qui pourraient être liées.
Tout un chacun peut ainsi juger de la gravité du crime de Madame Le Pen, à l’évidence sans commune mesure avec les soupçons de facéties politiciennes pesant sur l’ancien maire de Corbeil-Essonnes… du moins pour la Justice française.
L’indignation populaire va-t-elle rester indéfiniment un tonneau des Danaïdes que rien, ni personne, ne pourra décidément jamais faire déborder ou sommes-nous, tout de même, à la veille d’un bouleversement… à force de le craindre… ou de le souhaiter… suivant que l’on soit puissant élu ou misérable citoyen !
(Cette chronique a été publiée dans le numéro 32 de la revue Synthèse nationale).
© Philippe Randa est écrivain, chroniqueur politique et éditeur (www.francephi.com). Ses chroniques sont libres de reproduction à la seule condition que soit indiquée leurs origines, c’est-à-dire le site www.francephi.com, « Espace Philippe Randa ».