La pression s'intensifie sur Laurent Gbagbo. Le président sortant de Côte d'Ivoire doit se plier sans délai au verdict des urnes sous peine d'encourir des sanctions européennes et d'avoir affaire au tribunal pénal international, a déclaré vendredi Nicolas Sarkozy. Le chef d'état français veut voir Gbagbo quitter le pouvoir "avant la fin de la semaine".
Trois jours. C'est ce qu'il reste à Laurent Gbagbo pour quitter un poste qu'il occupe "en violation de la volonté du peuple ivoirien", a déclaré vendredi Nicolas Sarkozy lors d'une conférence de presse à l'issue du Conseil européen.
Le président de la République a appuyé cette déclaration avec des menaces: Laurent Gbagbo doit se plier sans délai au verdict des urnes "avant la fin de la semaine" sous peine d'encourir des sanctions européennes et d'avoir affaire au tribunal pénal international, a ajouté le chef de l'Etat.
Même tonalité à Washington, qui a signifié à Gbagbo qu'il disposait d'un "temps limité" pour quitter le pouvoir. Alors le président ivoirien sortant et son épouse "ont leur destin entre leurs mains" et savent à quoi s'en tenir. Mais cet ultimatum peut-il contraindre réellement celui que les Ivoiriens surnomment le "boulanger d'Abidjan" en raison de sa capacité à rouler tout le monde dans la farine?
Nicolas Sarkozy a en tout cas annoncé que Laurent et Simone Gbagbo, la "dame de fer" du régime, seraient "nommément sur la liste des sanctions" européennes s'ils n'accédaient pas aux exigences de l'Union. Les ministres des Affaires étrangères européens ont décidé lundi d'imposer des sanctions ciblées contre Laurent Gbagbo et ses proches, qui refusent de reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara à l'élection présidentielle du 28 novembre. Les visas vers l'Union européenne de ces personnes seraient interdits et leurs avoirs gelés.
Menaces de procès
Le Conseil européen a confirmé vendredi dans ses conclusions la détermination de l'UE à prendre de telles mesures "contre ceux qui continueraient à faire obstruction à la volonté souveraine exprimée par le peuple ivoirien". Le Conseil a rappelé aussi que la Cour pénale internationale (CPI) peut poursuivre les personnes responsables d'actes de violence, comme ceux qui ont fait jeudi au moins une vingtaine de morts à Abidjan, selon un porte-parole du président sortant.
Nicolas Sarkozy a lui-même rappelé cette possibilité et souligné que c'était à Laurent Gbagbo de choisir l'image qu'il voulait laisser dans l'Histoire: "Est-ce qu'il veut laisser l'image d'un homme de paix? Il est encore temps mais le temps presse et il doit partir. Ou est-ce qu'il veut laisser l'image de quelqu'un qui a fait tirer sur des civils parfaitement innocents? Et, dans ce cas-là, il y a des juridictions internationales comme la Cour pénale."
L'armée, un pion essentiel dans la résolution de la crise
Au-delà des menaces, l'Union européenne tente aussi de déstabiliser le pouvoir en place en sapant les soutiens de Gbagbo. Les dirigeants de l'UE ont donc appelé l'armée à se placer sous l'autorité du président élu, Alassane Ouattara. Ce "transfert de puissance" mettrait sûrement un terme à la crise et chaque partie le sait très bien. Ainsi, après les heurts violents de jeudi, le Premier ministre de Ouattara, Guillaume Soro, indiquait que les tirs sur la foule avaient été l'œuvre de la garde républicaine et de mercenaires libériens. Selon lui, les chefs de la gendarmerie et de la police avaient refusé de "participer au massacre". S'il est quasiment acquis que la tête de l'armée suivra Gbagbo, les sous-officiers, des jeunes ivoiriens comme les autres, peuvent être sensibles aux appels du camp Ouattara. C'est en tout cas le pari que fait ce dernier et ses soutiens internationaux.
Reste que les militants de l'ancien Premier ministre ont perdu une bataille ce vendredi. Les appels à reprendre la marche vers la Radio télévision ivoirienne (RTI) entamée jeudi et vers le palais du Premier ministre ont fait chou blanc après les violences de la veille. Les rues d'Abidjan étaient calmes ce vendredi, selon un reporter de l'agence Reuters, et seuls quelques tirs se sont faits entendre à Cocody, théâtre des plus violents affrontements la veille.
L'armée a pris position aux principaux carrefours de la ville et bloque l'accès à l'hôtel du Golf où est installé Alassane Ouattara et son gouvernement. L'échec de ses partisans semble montrer que Laurent Gbagbo contrôle fermement l'appareil militaire.
Le JDD. 17/12/10