Si l’on vous entend bien, vous voulez construire, avec Les amoureux de la France, une autre droite…
Absolument. Une droite girondine. Une droite à la fois fière et ouverte aux autres. Une droite qui s’émeut aux vers d’Edmond Rostand mais sait être pragmatique, de bon sens. Une droite soucieuse du seul bien commun. Une droite qui refuse de se laisser enfermer dans une image ringarde qui sentirait le formol et la naphtaline. Une droite audacieuse dans les questions qu’elle pose et qu’elle se pose, iconoclaste parce que se moquant des diktats des uns et des autres, des médias et de ses pairs. Une droite qui refuse les facilités, les propos de campagne, les promesses qu’elle sait intenables. Une droite de liberté, d’exigence démocratique, profondément européenne. Pour cela, il nous faut regrouper tous ceux qui sont prêts à cette « révolution culturelle » et ils n’étaient pas tous là lors du lancement de notre plateforme, loin s’en faut…
On vous sent de plus en plus critique à l’égard des prises de position de ceux qui sont pourtant vos partenaires politiques…
Je suis confondu par l’archaïsme de nos droites. Je constate, comme chacun, d’un côté, la révolution technologique et les avancées de la science et, de l’autre, des politiques quasi muets sur les conséquences de ces changements radicaux. Quelques exemples. Aujourd’hui, une poignée d’entreprises, toutes nord-américaines, peuvent s’immiscer dans notre vie – le mot est d’ailleurs mal choisi puisque c’est volontairement que nous leur confions notre intimité – sans que nous nous interrogions vraiment sur cette nouvelle dépendance. Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft sont le Big Brother du 1984 de George Orwell version cool, sympathique, souriant. Comment répondons-nous à ce défi, à cette ombre portée sur nos libertés ? Je n’en sais rien mais, plus grave, je ne sais pas vers qui me tourner pour m’aider à y voir plus clair. Dans un tout autre domaine, l’homme génétiquement modifié qu’on nous annonce pour demain, le transhumanisme, ne vont pas sans poser des questions, c’est le moins qu’on puisse dire. Pas un mot, si ce n’est des banalités, dans les programmes des politiques les plus proches de nous. Comme s’ils ne pensaient qu’avec des concepts du siècle passé, autant dire du Moyen Âge à la vitesse des changements à l’œuvre…
Mais il y a d’autres priorités ! Ces questions ne sont pas le quotidien de vos électeurs…
Vous vous trompez. Si, en effet, on ne s’interroge pas, chaque matin en se levant, sur sa dépendance à l’égard des géants de la Silicon Valley, beaucoup de parents s’inquiètent en revanche du devenir de leurs enfants biberonnés aux écrans de toutes sortes. De même, je ne crois pas être le seul à m’effrayer de ce que nous mettons dans nos assiettes. Des produits dont, en vérité, nous ne savons pas vraiment ce qu’ils contiennent, comment ils ont été faits, par qui ils ont été fabriqués. Ce qui, me semble-t-il, n’est pas étranger à la montée en puissance et en sympathie de mouvements comme L214 ou le véganisme. Tout cela pour vous dire que nous ne pouvons nous contenter du prêt-à-penser qui nous tient lieu de viatique pour, croyons-nous, changer le monde.
Encore une fois, vous n’avez pas le sentiment d’être à mille lieux des préoccupations de nos concitoyens et, notamment, des plus humbles, ceux-là même qui vous font confiance ?
Si nous voulons gagner – et ne pas nous contenter de gérer notre capital électoral comme une sorte de magot… – nous avons le devoir de développer une vision alternative, cohérente, pragmatique, audacieuse. Il nous faut gagner la confiance de nouveaux électeurs qui ne se retrouvent pas dans nos vieux discours, dans nos vieux mots, dans nos vielles habitudes de penser. Prenons une question centrale : celle de l’identité. Si elle est menacée par les flux migratoires – ce que nous ne cessons de répéter avec raison – elle l’est tout autant par des technologies, des modes qui, sous couvert de rendre nos vies plus agréables, font de nous les dévots de la première des religions : le consumérisme. On réussit à nous faire croire que nous voulons ce qu’on veut nous vendre. Une nouvelle forme d’aliénation que le camarade Karl Marx n’aurait osé imaginer !
Si vous vous mettez à citer Marx…
Je veux piocher dans les textes de tous ceux qui se sont employés à questionner le monde. Je ne veux passer à côté d’aucune « arme intellectuelle » qui, je l’espère, nous permettra de changer l’existence de mes concitoyens. Or, j’ai la conviction que par habitude, par facilité, par paresse – je ne veux pas imaginer que ce soit également par incompétence – nous nous contentons trop souvent de répéter comme des perroquets les mantras, les tables de la loi d’une vieille droite, coincée entre Maurras, pour les plus radicaux, et l’art de l’auto-flagellation pour les moins assurés. Quitte à me répéter : construisons une droite qui fasse l’éloge du temps long et reprenne le futur en main. Une droite d’avant-garde qui rejette les vieilles lunes conservatrices. Une droite qui ne se contente pas de promettre plus de croissance, moins de chômage et d’insécurité mais une droite d’intelligence, de générosité, de compassion et de panache ! Pas seulement moins d’impôts, moins d’assistanat, moins de bureaucratie, mais plus de vie, plus d’envie, plus de mémoire aussi. Notre politique doit redonner du souffle, proposer un horizon enthousiasmant. Il faut tout remettre à plat.
Mais comment ?
En partant de notre plateforme « Les amoureux de la France » pour construire ce programme qui nous fait toujours défaut. Et puis, il faudra trouver celui ou celle qui l’incarnera, qui saura nous faire gagner. Est-ce un responsable politique aujourd’hui identifié ? Ou, au contraire, quelqu’un de nouveau ? Je n’en sais rien. Mais, en revanche, on peut, d’ores et déjà, dessiner une début de portrait robot : à l’écoute, avenant, attentif, un cœur à l’unisson de la France, de conviction et de tempérament. Ça élimine pas mal de monde…
BV