AFP - Pour les Palestiniens chrétiens, faire ses Pâques à Jérusalem s'apparente souvent à un vrai calvaire en raison des restrictions de mouvement imposées par Israël.
L'Autorité palestinienne et des organisations chrétiennes reprochent à Israël de limiter drastiquement l'accès à la Ville sainte pour les fêtes, et donc d'"attenter à la liberté de culte".
Selon l'Autorité, les chrétiens de Cisjordanie et Gaza ont reçu cette année seulement 2.000 à 3.000 permis d'accès à Jérusalem, un chiffre démenti par l'armée israélienne qui assure que plus de 10.000 autorisations ont été délivrées.
"Les chrétiens du monde entier peuvent célébrer Pâques, mais pour les Palestiniens, l'occupation israélienne fait de chaque jour un Vendredi saint (jour de la crucifixion du Christ), et nous attendons encore notre propre résurrection comme nation libre", a protesté le père Firas Aridah, un prêtre catholique de Jifna en Cisjordanie occupée.
Les observants juifs, notent les Palestiniens, n'ont pas besoin de permis pour visiter leurs sites sacrés.
"Les restrictions israéliennes à notre liberté de culte constituent une forme délibérée de persécution religieuse", accuse Dimitri Diliani, président de la Coalition nationale chrétienne de Terre sainte, dans un communiqué.
La querelle, récurrente, survient dans un climat tendu par la volonté d'Israël de poursuivre la colonisation dans le secteur à majorité arabe de Jérusalem annexé, où se trouvent les lieux parmi les plus saints du judaïsme, du christianisme et de l'islam.
Jérusalem-Est a récemment été le théâtre de violents heurts entre manifestants palestiniens et policiers israéliens.
Lors de la procession du Vendredi saint, encadrée par des forces de sécurité omniprésentes, des Palestiniens frustrés de ne pouvoir entrer au Saint-Sépulcre ont laissé éclater leur colère devant la basilique.
Comme d'habitude pendant les fêtes religieuses juives, l'armée a bouclé la Cisjordanie "pour des raisons de sécurité" jusqu'à la fin de la Pâque juive lundi soir.
C'est à Bethléem, ville de naissance du Christ selon la tradition et haut lieu du tourisme chrétien en Cisjordanie, à moins de 10 km de Jérusalem, que les tensions ont été les plus vives durant la Semaine sainte.
Dix Palestiniens, dont un chef du mouvement Fatah, ont été arrêtés après avoir franchi un checkpoint séparant Bethléem de Jérusalem pour dénoncer les restrictions infligées aux chrétiens voulant faire le pèlerinage jusqu'au Mont des Oliviers, à Jérusalem, pour fêter le dimanche des Rameaux. Ils ont été relâchés jeudi.
La polémique est emblématique des entraves à la liberté de circulation subies par les 3,5 millions de Palestiniens, qui dénoncent des "mesures discriminatoires".
"Ma famille a reçu un permis pour entrer à Jérusalem mais a décidé de ne pas venir car il faudrait faire la queue pendant des heures au point de contrôle de Qalandiya (le principal entre la Cisjordanie et Jérusalem) et cela gâcherait la joie de Pâques", dit Remaz Kasabreh, 34 ans, une Palestinienne grecque-orthodoxe.
Sa famille vient d'un village chrétien proche de Jénine en Cisjordanie.
Mariée à un Palestinien hiérosolymitain, Remaz Kasabreh habite Beit Hanina à Jérusalem-Est, mais elle n'a pas la précieuse carte de résidence qui permet de circuler librement.
Elle connaît par coeur les tracasseries humiliantes aux points de contrôle, les queues interminables, les fouilles corporelles et même les interpellations.
Si les chiffres sont difficiles à vérifier, en l'absence de recensement, la communauté des Palestiniens chrétiens décline depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948. "Comme beaucoup vivent mal, sans dignité, sans argent, ils émigrent", déplore-t-elle.
France 24 - 4 avril 2010