La comparaison faite vendredi par le prédicateur attitré du Vatican entre les attaques contre le pape Benoît XVI au sujet des scandales de pédophilie et les pratiques de l'antisémitisme a suscité une levée de boucliers parmi les organisations juives dans le monde.
Lors de la célébration du Vendredi saint à la basilique Saint-Pierre, à laquelle assistait le pape, le père franciscain Raniero Cantalamessa, prédicateur de la Maison pontificale, a rappelé que tout au long de l'histoire les Juifs avaient été victimes de "violences collectives".
Il a lu des extraits d'une lettre d'un ami juif qui dit "suivre avec dégoût les violentes attaques concentriques contre l'Eglise, le pape: 'Le recours à des stéréotypes, le glissement de la responsabilité et de la culpabilité personnelles vers une culpabilité collective me rappellent les aspects les plus honteux de l'antisémitisme'."
Les organisations juives à travers le monde ont réagi avec indignation au parallèle ainsi dressé. "Je suis absolument abasourdi. C'est pure folie!", s'est exclamé Amos Luzzatto, ancien président des communautés juives d'Italie.
Le grand rabbin de Rome, Riccardo di Segni, qui avait accueilli Benoît XVI dans sa synagogue de la capitale italienne, en janvier dernier, a déclaré pour sa part que ces propos étaient du "plus mouvais goût", surtout en ce jour de la semaine sainte où les chrétiens prient pour la conversion des Juifs, tenus pour responsables collectivement de la crucifixion de Jésus.
"TENTATIVES IGNOBLES"
"Obscènes", "répugnants" ou "offensants" sont les qualificatifs qui reviennent le plus souvent dans les réactions des organisations juives mondiales après les propos du père Cantalamessa, dont le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, a été amené à se dissocier.
"Comment peut-on comparer la culpabilité collective imputée aux Juifs, qui a causé la mort de dizaines de millions de personnes innocentes, aux auteurs qui abusent de leur droit et de leur vocation en se livrant à des abus sur des enfants?" s'est interrogé le rabbin Marvin Hier, du centre Simon Wiensenthal.
La Semaine sainte conduisant au dimanche pascal est cette année entachée d'une cascade de révélations sur des scandales de pédophilie au sein de l'Eglise, remontant parfois à plusieurs décennies, et les maladresses de celle-ci pour tenter de les dissimuler.
Ebranlé, le Vatican a accusé les médias de tentatives "ignobles" pour porter atteinte à la réputation du pape lui-même, qui aurait fait preuve de négligences dans le traitement de ces affaires alors qu'il était encore simple cardinal dans son Allemagne natale ou à la curie romaine.
Sous le titre "Les évêques du monde entier sont proches de Benoît XVI, cible d'une campagne méprisable de diffamation", L'Osservatore Romano, organe du Vatican, poursuit samedi ses attaques contre les médias.
Les victimes des actes de pédophilie commis par des prêtres ont, eux aussi réagi, avec vivacité aux propos de Cantalamessa et "sa tentative ridicule de camoufler les crimes de sa hiérarchie derrière les souffrances des Juifs".
"Cela montre jusqu'où le pape est capable d'aller pour empêcher la vérité de se faire jour", a déclaré Peter Isely, porte-parole du réseau des survivants des victimes des abus des prêtres (SNAP).
Marc Delteil, pour le service français, édité par Eric Faye - Le Pöint - 3 avril 2010