Lors d’une célébration religieuse marquant la fête du saint patron de Moscou et de l’armée russe, saint Georges, le chef de l’Eglise orthodoxe russe a qualifié la lutte contre le terrorisme de « guerre sainte ». Le patriarche Kirill a chaleureusement soutenu l’intervention de son pays au Proche-Orient et en Syrie, assurant qu’elle n’avait aucune visée hostile mais se bornait à lutter contre un mal qui « menace toute l’humanité ». « Ce mal, nous l’appelons aujourd’hui terrorisme », a déclaré le patriarche.
Le patriarche Kirill de Moscou comme David Cameron
« Aujourd’hui, lorsque nos guerriers prennent part à des opérations de combat au Proche-Orient, nous savons qu’il ne s’agit ni d’une agression, ni d’une occupation, ni d’une tentative d’imposer quelque idéologie sur un autre peuple ; tout cela n’a rien à voir avec un quelconque soutien à certains gouvernements », a martelé le partriarche Kirill. C’est évacuer un peu vite le soutien inconditionnel de la Russie à Bachar el-Assad, les intérêts stratégiques qui conduisent la Russie à conserver à tout prix son « regard » sur la mer Méditerranée à Tartous, et sa volonté de tirer profit du conflit et de l’instabilité actuels au Proche-Orient.
Mais il est vrai que traditionnellement, l’Eglise orthodoxe de Russie a toujours été fidèlement alliée au pouvoir en place, fût-il communiste, et que le patriarche Kirill a lui-même coopéré avec le KGB.
Le plus intéressant est cependant cet appel à la « guerre sainte ». « Voici pourquoi la guerre contre le terrorisme aujourd’hui, est aujourd’hui la guerre sainte. Je prie Dieu que les peuples du monde entier le comprennent et cessent de diviser les terroristes en deux groupes, les bons et les méchants, en même temps qu’ils accrochent la guerre contre la terreur à leurs propres objectifs, souvent non avoués mais très présents dans leur programme politique », a déclaré le patriarche selon la source russe Russia Today.
« Guerre sainte » contre le terrorisme, un concept… effrayant
Parler de « guerre sainte », c’est au fond mettre en parallèle les combats d’hégémonie islamique au nom d’Allah et les guerres armées (et non spirituelles) des chrétiens, qui n’ont pourtant aucune commune mesure. C’est justifier toutes les ingérences et surtout, promouvoir le « choc des civilisations » qui possède ses propres objectifs non-dits, dont les intérêts russes ne sont évidemment pas absents, mais qui visent, au-delà, une sorte d’internationalisation du « bien ». Et en cela, on retrouve l’idée d’un messianisme temporel. Les chrétiens, par nature, n’imposent pas leur foi par les armes, mais prêchent l’appel à la conversion. Lorsqu’ils se battent dans des guerres justes, c’est pour défendre des intérêts légitimes et temporels, qui peuvent comprendre la volonté de créer des conditions propres à permettre la pratique du vrai culte au vrai Dieu.
En déplaçant le curseur de la guerre juste vers la guerre sainte, le patriarche Kirill fait doublement mouche, justifiant toutes les actions militaires de Poutine au nom d’un universel combat contre tous ceux qui seront désignés comme terroristes, et en appelant à la globalisation de ce combat. En février de cette année, un porte-parole de l’Eglise orthodoxe russe avait déjà appelé les leaders du monde entier à dépasser leurs différends politiques en s’unissant pour combattre le terrorisme international. Et le métropolite Hilarion, commentant la rencontre entre le pape François et le patriarche Kirill à La Havane, souhaitait lui aussi la fin de la multiplicité des coalitions antiterroristes afin qu’il n’y ait plus « qu’une seule alliance de ce type ».
Voilà qui, en profitant du chaos au Proche-Orient, permet de promouvoir une démarche mondialiste, une de plus.
Anne Dolhein
RT
NdB: C'est une démarche patriotique !