On se souvient de l’angoissante menace pour la musique française que fut l’annonce de Yannick Noah, se disant prêt à quitter la France si Marine Le Pen était élue Présidente. Moins radical, c’est maintenant le président de chambre près la cour d’appel de Versailles, Serge Portelli, qui déclare que, dans cette occurrence, il quitterait sa profession. À vrai dire, à un mois de ses 67 ans, c’est plutôt elle qui quitterait ce héros – et aussi héraut – du trop célèbre Syndicat de la magistrature, celui du « mur des c… »
« Moi, quand je suis entré dans la magistrature, je me suis dit, dès la première seconde, que si j’avais été magistrat pendant la Seconde Guerre mondiale, je n’aurais pas prêté serment au maréchal Pétain et j’aurais immédiatement démissionné. » Mais c’est qu’il y aurait du Jean Moulin dans cet homme-là ! Certes, il ne prétend pas qu’il aurait pagayé jusqu’à Londres avec ses petits bras au soir du 18 juin 1940, mais ce n’est probablement qu’une omission.
Évidemment, c’est facile à dire quand on connaît la fin du film… C’est fou, le nombre de gens convaincus aujourd’hui qu’ils auraient été des résistants de la première heure ! Surtout ceux dont toute le vie professionnelle s’est douillettement déroulée sans prise de risque, dans le politiquement correct post-soixante-huitard et régulièrement encensés par Le Monde et Libé.
Mais cela doit être dur, pour un homme de gauche, de se souvenir que c’est bien la chambre Front populaire élue en mai 1936 qui a voté les pleins pouvoirs au vainqueur de Verdun. M. Portelli a tout de même des excuses, car l’École nationale de la magistrature a vu passer dans son corps enseignant quelques phénomènes de foire, comme son directeur Hubert Dalle, déclarant sans aucune vergogne : « Il faut, en se basant sur une véritable analyse en termes de lutte des classes, trouver sur le terrain judiciaire les modes d’expression de celle-ci, participer à la création de contre-valeurs qui permettent aux juges de rendre des décisions dans un sens socialiste. » Ou Dominique Charvet, annonçant prophétiquement en 1973, mais sans le savoir, les tribunaux islamiques lors d’une table ronde à l’ENM : « Le problème est de savoir si les magistrats et les avocats auront le courage de saborder leur profession, pour faire place à cette justice spontanée qui a surgi dans les favelas du Chili ou dans certains grands ensembles de nos régions. Il y a dans les arrière-salles des cafés de Bobigny ou de Nanterre des juges qui se lèvent pour rendre la justice dans leur propre milieu : ce devrait être la magistrature de demain. »
On comprend mieux certaines décisions de justice, rendue, dit-on, « au nom du peuple français ». À condition qu’il soit de gauche…
BV