«Le ministère de la Défense a donné de fausses informations et cela change beaucoup de choses. La loi d’indemnisation des vétérans n’est plus adaptée. » Me Jean-Paul Teissonnière, l’avocat de nombreuses victimes des essais nucléaires, a vivement réagi à la révélation, hier, du « Parisien » - « Aujourd’hui en France » d’un rapport confidentiel défense sur la campagne de tirs atomiques au Sahara, de 1960 à 1966.
Ce document de 260 pages raconte par le menu les manoeuvres militaires engagées lors du tir Gerboise verte, en 1961, au cours duquel plusieurs centaines d’appelés furent utilisés comme des cobayes.L’objectif était, selon les termes mêmes du rapport, d’« étudier les effets physiologiques et psychologiques produits sur l’homme par l’arme atomique ». Hervé Morin, le ministre de la Défense, qui nous assurait lundi ne pas avoir connaissance de ce texte, a corrigé hier son propos, expliquant que son ministère, en 2007, avait établi « une belle fiche de communication, dans laquelle on dit que ces exercices ont été menés et que les participants ont reçu un certain nombre de radiations ». Reste que ces 260 pages ne portent pas que sur l’essai nucléaire baptisé Gerboise verte. Plusieurs aspects du document sont édifiants. On y découvre par exemple l’existence de discussions entre des scientifiques et des militaires lors desquelles ils s’accordent sur des seuils aléatoires de radioactivité à ne pas dépasser. De nombreuses lignes laissent encore transpirer un véritable amateurisme dans la conception des engins explosifs. Ainsi, sur treize des tirs souterrains réalisés à In-Ekker, le rapport révèle qu’un seul fut « propre », quand les douze autres donnèrent lieu à des fuites dans l’atmosphère. Après Gerboise bleue, par exemple, « la valeur de contamination retenue pour l’eau représente trois fois la norme admissible » sur l’un des sites de mesure retenus. Et l’on ne parle pas de cette zone contaminée par un essai dont l’armée estime qu’il est impossible de la rendre saine. Quant aux 1 000 km 2 ravagés par la poudre de plutonium des très discrets tirs « pollens », « l’érosion et les vents ont certainement dispersé cette radioactivité », espère le document, qui reconnaît que « plusieurs zones n’ont pas été traitées et sont certainement restées en l’état ».