Dans les rues de Sorgues, on peut toujours chercher une permanence ou même une affiche du Front national. Il n’y en a pas. Cette ville de 21 000 habitants, ancien fief communiste situé à une dizaine de kilomètres au nord d’Avignon, a pourtant offert des scores records à Jean-Marie Le Pen. En 2002, il y avait obtenu 34,3 % au premier tour de la présidentielle, puis 38,3 % au second tour.
« Ici, nous avons un électorat populaire qui manifeste à sa façon ses inquiétudes pour l’avenir, explique le sénateur-maire UMP Alain Milon. Avant Nicolas Sarközy, les gens votaient Le Pen à la présidentielle. »
En 2007, à Sorgues, Sarkozy a récupéré à son profit une grande partie des voix de l’extrême droite et obtenu au soir du 6 mai près de 63 % des suffrages. A trois mois des régionales, l’UMP redoute pourtant que sur ces terres provençales une partie des électeurs arrachés au FN ne retourne vers l’extrême droite. Aux européennes de juin, le FN a dépassé les 19,7 % à Sorgues. « Beaucoup de ceux qui ont voté Sarkozy en 2007 ont compris que ses promesses étaient vaines, argumente Marie-Odile Rayé, secrétaire départementale du FN. Ils ne veulent pas de l’immigration et vers qui voulez-vous qu’ils se tournent ? »
Aux municipales de 2008, le FN n’avait pas présenté de liste sur Sorgues, et l’UMP Milon a été réélu dès le premier tour. Mais les thèmes qui ont fait le succès du Front (sécurité et immigration) sont toujours très forts.
« Les gens en ont vraiment ras le bol »
En ville, Sarkozy a encore des partisans. « Il m’a redonné l’envie de voter, confie Christophe, un commerçant de 39 ans. J’aime son dynamisme, sa façon franche de parler. Je sais qu’il ne peut pas tout faire tout de suite, il n’est pas magicien, mais ici, les gens en ont vraiment ras le bol. Il y en a marre de voir ces jeunes qui ne travaillent pas rouler dans de grosses bagnoles alors que nous, on a du mal à joindre les deux bouts. » Et de préciser, au cas où ce ne serait pas assez clair : « Il y a trop d’immigrés. Le marché du dimanche, c’est Bagdad. »
Sur l’immigration, le langage a une tonalité lepéniste. « Beaucoup de gens sont devenus anti-Arabes, dit crûment un ancien responsable associatif. De la deuxième ou de la troisième génération, les jeunes sont imbuvables et veulent faire la loi. » Et de s’indigner de ces bandes qui ont brandi des drapeaux algériens le soir de la qualification pour la Coupe du monde de football. « L’angoisse de certains habitants leur fait percevoir l’immigration comme une concurrence, ce n’est pas du racisme », veut croire Alain Milon.
L’UMP réussira-t-elle en mars à conserver les électeurs qui ont permis la marginalisation de Le Pen ? C’est l’objectif de sa tête de liste, Thierry Mariani, connu pour ses positions droitières et qui a ferraillé avec succès contre le FN dans la circonscription voisine d’Orange. Et c’est la raison d’être du débat sur l’identité nationale. Dans le Vaucluse, deux ont été organisés à Avignon et Cavaillon, mais pas à Sorgues. Jacques, sans emploi, s’en moque : « Ce qu’on attend, c’est pas un débat, c’est que Sarkozy nettoie la racaille au Kärcher comme il l’avait promis. » « Aux régionales, les électeurs voteront pour manifester leur mécontentement et Le Pen fera sans doute un score », pronostique Milon.
Le parisien - 17.12.09