Christine Boutin est souvent surprenante. On sait aussi depuis le combat contre le Pacs qu’elle ne manque pas de courage. Elle est la seule personnalité politique aujourd’hui à annoncer qu’elle mettra un bulletin Marine Le Pen dans l’urne le 7 mai prochain.
Présent : Pour la première fois vous appelez à voter Marine Le Pen, pourquoi ?
Christine Boutin : Parce que je suis une femme de droite, que j’aime la France et que nous sommes dans une situation grave avec un choix impossible. M. Macron incarne tout ce que j’ai combattu dans ma vie politique. C’est un homme qui n’aime pas la France, il l’a accusée de crimes contre l’humanité, c’est un mondialiste, il prétend que nous n’avons pas de culture, c’est un pur produit de la finance, le petit peuple ne l’intéresse pas du tout, il n’y a qu’à voir sa première sortie, ce premier tour comme s’il avait déjà gagné, à la Rotonde. Les exemples sont très nombreux. Il est la seule réussite de François Hollande qui nous a complètement cocufiés avec Macron. Moi je ne peux pas voter pour Macron.
C’est un choix difficile car pour une personne de droite comme moi, il y a trois solutions : l’abstention, le vote blanc ou le vote. L’abstention ou le vote blanc sont des votes qui ne sont pas comptabilisés. Si bien que le refus de Macron ne sera pas pris en compte. J’ai beaucoup réfléchi. Vous êtes le journal Présent et donc vous savez fort bien que je n’ai jamais soutenu le Front national qui du reste ne m’a jamais soutenue non plus. J’ai toujours eu des candidats du Front national contre moi et je ne partage pas les positions du Front national. Mais aujourd’hui, après avoir fait ce constat d’un choix impossible, j’ai pris conscience qu’il existait ce que l’on appelle le vote révolutionnaire.
Présent : En quoi consiste le vote révolutionnaire ?
Christine Boutin : C’est le vote paradoxal qui fait voter pour faire en sorte que celui de votre camp soit battu. Or aujourd’hui, pour les Républicains, pour la droite institutionnelle, leur camp c’est Macron puisqu’ils le soutiennent tous. Et moi je ne veux pas d’Emmanuel Macron. Donc pour être efficace, je vais voter Marine Le Pen pour diminuer le score de Macron. Ce n’est pas pour moi une adhésion au Front national. Je ne peux pas marquer sur mon bulletin que je suis contre sinon mon bulletin serait nul mais je dis haut et fort que l’on peut voter pour Marine Le Pen, mettre le bulletin Marine Le Pen dans l’urne afin de dire : Stop à Macron ! Après on verra la suite.
Présent : Est-ce que vous pensez que les électeurs de François Fillon vont suivre sa consigne ?
Christine Boutin : D’après les échos que je peux avoir, pour un certain nombre d’entre eux c’est une véritable trahison. Le fait que François Fillon ait appelé à voter Macron un quart d’heure après le résultat est effarant. Et c’est aussi pour ça que je prends la parole, je vous remercie de m’interroger, vous êtes plusieurs à le faire et j’en suis surprise d’ailleurs.
Présent : Vous faites tellement exception dans la classe politique que ce n’est pas si surprenant de vous donner la parole.
Christine Boutin : Je ne le fais pas pour être une exception mais parce que je pense que la situation de la France est grave. Je ne peux pas laisser faire ça. Vous avez pu constater que j’ai pris un peu de champ, de recul par rapport à la vie politique et c’est volontaire mais là aujourd’hui, compte tenu de mon expérience et de la situation de notre pays, j’ai pensé que c’était un devoir moral pour moi. Un devoir de m’exprimer de façon à ce que les Français ne soient pas tétanisés par le fait de prendre un bulletin de vote Le Pen. On peut prendre un bulletin de vote Le Pen sans être adhérent à ses idées.
Présent : Pensez-vous que d’autres responsables politiques pourraient faire comme vous ?
Christine Boutin : J’espère. Et ce que j’espère vraiment c’est que ma démarche va libérer les électeurs et que l’on arrivera à faire battre Emmanuel Macron. C’est plus facile pour moi, je n’attends rien, je ne demande rien, je ne veux rien. Mais je peux parler.
Propos recueillis par Caroline Parmentier
Entretien exclusif paru dans Présent daté du 27 avril 2017