Les forces de Kadhafi accentuent leurs attaques avec des armes lourdes contre la ville assiégée de Misrata, dans l'ouest du pays, et bombardent Ajdabiah, dans l'Est.
L'Alliance atlantique a pris le 31 mars la direction des opérations en Libye à la suite des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne.
Mais, malgré les raids, les troupes gouvernementales libyennes poursuivent plus que jamais leurs attaques contre Misrata, à 220 km à l'est de Tripoli, où au moins 250 personnes auraient péri depuis six semaines, et pilonnent également les insurgés à Ajdabiah, sur la route de Benghazi, fief de la rébellion.
Une "feuille de route" pour la paix, présentée par l'Union africaine (UA) et prévoyant un cessez-le-feu et l'acheminement de l'aide humanitaire, a été acceptée dimanche par Kadhafi, au pouvoir depuis 1969, mais rejetée par les rebelles qui exigent avant tout le départ du "Guide" de la Jamahiriya libyenne.
Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a estimé mardi que l'Otan ne jouait pas suffisamment son rôle en Libye.
L'OTAN DOIT "JOUER SON RÔLE"
"Il faut que l'Otan joue pleinement son rôle. L'Otan a voulu prendre la direction militaire des opérations, nous l'avons accepté, elle doit jouer son rôle aujourd'hui, c'est-à-dire éviter que Kadhafi n'utilise des armes lourdes pour bombarder des populations", a-t-il dit sur France Info.
La France, a précisé Alain Juppé, soulèvera ce point lors d'une réunion des ministres européens des Affaires étrangères dans la journée à Luxembourg, ainsi que jeudi et vendredi à Berlin devant le Conseil de l'Atlantique Nord.
Le secrétaire au Foreign Office, William Hague, a également demandé que l'Alliance intensifie ses efforts. "Nous devons maintenir et intensifier nos efforts au sein de l'Otan", a-t-il dit à son arrivée à Luxembourg.
"C'est la raison pour laquelle le Royaume-Uni a fourni ces dernières semaines davantage d'avions capables de frapper des cibles qui, au sol, menacent la population civile (...) Bien sûr, il serait bienvenu que d'autres pays en fassent de même."
A Washington, un porte-parole du Pentagone, le colonel David Lapan, a déclaré que l'Otan n'avait pas demandé aux Etats-Unis de reprendre leurs attaques en Libye.
Les ministres italien, français et britannique de la Défense se réunissent par ailleurs dans la soirée à Rome pour examiner aussi les moyens d'accentuer la pression militaire sur Kadhafi. L'Italie n'a pas exclu de se joindre aux opérations.
L'Otan, qui a intensifié ses attaques aériennes durant le week-end autour de Misrata et d'Ajdabiah, détruisant plusieurs chars des forces kadhafistes, rejette les critiques des Français et des Britanniques.
Dans un communiqué, elle souligne qu'elle "mène avec vigueur ses opérations militaires en Libye dans le cadre du mandat qui lui a été attribué" et que "le rythme des opérations est déterminé par la nécessité de protéger la population civile".
La télévision publique libyenne a affirmé mardi qu'une attaque aérienne de l'Alliance sur la ville de Kikla, au sud de Tripoli, avait fait plusieurs morts dans la population civile.
"NOUVELLE SOMALIE" ?
L'ancien ministre libyen des Affaires étrangères Moussa Koussa, qui a rejoint la rébellion mais dit craindre que son pays ne devienne "une nouvelle Somalie", se rendra à Doha, la capitale du Qatar, pour rencontrer des membres du gouvernement qatari et des représentants libyens avant la seconde réunion mercredi du "groupe de contact" international sur la Libye.
Sur le front dans l'est du pays, l'artillerie de Kadhafi a bombardé mardi en milieu de journée l'entrée ouest d'Ajdabiah, sur la route de Benghazi. Les combats ont fait au moins trois morts parmi les rebelles dans la matinée.
Les rebelles ont annoncé avoir repoussé deux nouvelles attaques des kadhafistes contre Misrata, la troisième ville du pays, où un navire venu d'Italie est attendu pour évacuer des centaines de travailleurs immigrés, a annoncé l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Auparavant, il doit apporter de l'aide humanitaire à Benghazi.
Lundi, le Conseil national de transition (CNT), qui siège dans la capitale de la Cyrénaïque, a rejeté le plan de paix de l'Union africaine. "L'initiative de l'UA ne prévoit pas le départ de la scène politique de Mouammar Kadhafi et de ses fils, elle est donc caduque", a dit Moustafa Abdeldjeïl, président du CNT.
Dans une déclaration transmise au philosophe français Bernard-Henri Lévy à Benghazi et dont Reuters a obtenu copie, le CNT exhorte mardi la communauté internationale à faire preuve de fermeté face au régime de Kadhafi et à fournir des armes à la rébellion.
Interrogé sur BFM-TV, Saïf al Islam, fils du dirigeant libyen, a jugé ridicule toute idée de départ de son père. "Le départ du Guide ne changera rien car le peuple libyen ne permettra pas à ces bandes terroristes de diriger la Libye", a dit Saïf al Islam.
Amnesty International a accusé les troupes kadhafistes d'avoir commis des crimes de guerre. Des corps de combattants rebelles ont été découverts avec une balle dans la tête, les mains liées dans le dos. Les troupes de Kadhafi ont en outre délibérément attaqué des protestataires sans armes et des civils fuyant les combats, affirme l'ONG.
12 avril 2011