"Y a un truc bizarre dans mon assiette!" Ce "truc", plusieurs enfants de CM1-CM2, dégoûtés, l'ont signalé vendredi aux cantinières de l'école Nationale (3e), à la Belle de Mai. Vers 13h, les femmes de service ont fini par prêter attention aux récriminations des élèves et mis un nom sur le "truc", ou plutôt les trucs, puisque la bébête était venue en groupe : le riz de Camargue servi au menu du jour était en effet... truffé de vers de farine (ou tenebrio molitor de son nom savant; on déconseille aux petites natures de taper ce nom sur google images). Une bestiole inoffensive, certes, mais bien peu ragoûtante.
Que s'est-il passé alors ? "Rien! C'est ce qui nous révolte le plus!, s'indigne Dalila Douhou à la FCPE. Les tatas ont continué à servir ce repas qu'elles savaient bon pour la poubelle." Pire, selon les témoignages réunis par l'association de parents d'élèves, il semble que les cantinières aient su dès le premier service, avant midi, que le riz était infesté. "Quand on les interroge, les tatas disent : Et alors ? Vous vouliez qu'on les laisse sans manger vos enfants ?, s'offusque la FCPE. Mais quand vous trouvez des vers dans un paquet de riz à la maison, vous faites quoi ? Vous le servez à vos enfants. Bien sûr que non !"
Hier, nous avons tenté de joindre les cantinières de l'école Nationale : sans succès. Leur réaction demeure en tout cas "inadmissible" pour la Ville, qui vient d'envoyer une circulaire salée à l'école de la Belle de Mai, mais aussi à quatre autres établissements, où, vérifications faites, des vers ont été également détectés. "Il existe un repas de secours, rapidement préparable, dans chaque cantine. En cas de problème, les cantinières doivent le servir aux enfants, reconnaît Danièle Casanova, l'adjointe UMP en charge de l'éducation. Mais la première chose à faire, car c'est une procédure bien établie, c'est de nous alerter afin que nous prévenions rapidement le prestataire." Or ce n'est qu'après le déjeuner, dans l'après-midi, que les écoles ont rapporté l'incident dans l'habituel "cahier de retour qualité" rempli après chaque repas dans les cantines.
"Aucune de ces cinq écoles n'a servi le repas de secours", affirme Danièle Casanova. Ce qui signifie aussi que des centaines d'enfants y ont donc bien dégusté... le tenebrio molitor. Miam. "Ce qui m'inquiète, reprend l'élue, c'est ce que cela risque de se reproduire: en développant le bio (le riz provenait cependant d'une exploitation locale et non bio, NDLR) dans nos cantines, nous savons que nous servons des produits sans pesticide ni conservateur. De la vermine peut donc plus facilement, comme cela semble être le cas cette fois, s'y développer."
Alors que la FCPE réclame que ce repas "indigne" soit remboursé aux familles, la Ville s'est, elle, retournée contre la Sodexo, afin de "lui réclamer des comptes"; elle lui imputera aussi une "amende conséquente" pour ce manquement à l'exigence de qualité et de contrôle à laquelle le prestataire a souscrit. "Quelque part, la chaîne de contrôle a été défaillante", atteste Danièle Casanova. À la Sodexo, l'affaire, on s'en doute, s'avère gênante: "Ce qu'il faut bien dire, c'est que le problème a concerné six écoles (et non cinq, comme avancé par la Ville, NDLR) sur 312, explique-t-on d'emblée. C'est la première fois qu'un incident tel que celui-ci nous arrive: ce fournisseur de riz nous a livré quatre fois depuis la rentrée sans qu'un problème remonte. Nous nous sommes en tout cas tout de suite rapprochés de lui, afin qu'il nous explique ce qui s'est passé."
La Sodexo insiste également sur le fait que "la procédure prévoit qu'en cas de souci, la responsable de cantine nous alerte tout de suite: si cela s'était passé ainsi, nous aurions demandé aux écoles de ne pas servir le riz et d'utiliser le stock de secours. Or, nous n'avons été alertés qu'après coup, dans l'après-midi" du vendredi.
Comment les vers ont-ils pu échapper au contrôle du géant de la restauration collective ? "Il semble que de part leur taille et leur couleur, ils n'ont pas été distingués des grains de riz", admet-on à la Sodexo. Qui précise que la filière bio et/ou locale, promue depuis deux ans par les cantines marseillaises, n'a pas "présenté de problème significatif jusqu'ici"."
LA PROVENCE - 14/11/13