Les places financières ont replongé mercredi, passant de l'euphorie à la déprime, devant les nombreux signes avant-coureurs de récession, alors que les dirigeants européens s'efforçaient à Bruxelles de consolider leur front uni.Evènement
La Bourse de New York a fini sur un nouveau plongeon mercredi une séance dominée par les craintes d'une récession aux Etats-Unis, alimentées par des indicateurs économiques en berne: le Dow Jones a perdu 7,87%, sa plus forte baisse depuis le krach de 1987, et le Nasdaq 8,47%.
Selon les chiffres définitifs de clôture, le Dow Jones Industrial Average (DJIA) a abandonné 733,08 points à 8.577,91 points, et le Nasdaq, à dominante technologique, 150,68 points à 1.628,33 points.
"Le marché est submergé par les craintes de récession" aux Etats-Unis, a expliqué Al Goldman, de Wachovia Securities.
La liesse boursière engendrée par les sommes colossales débloquées par les Européens et les Américains pour soutenir leur secteur bancaire n'aura duré que deux jours. Les craintes de récession ont pris le relais de la panique déclenchée par la crise financière.
"On a un déplacement de la crise financière vers l'économie réelle. Il y a un mouvement de balancier, quand on semble avoir réglé un problème bancaire, le marché se reporte sur l'impact sur les entreprises et les ménages", relève, désabusé, un vendeur d'actions à Paris.
Après deux jours de fortes hausses, les Bourses européennes se sont enfoncées dans le rouge: Londres a perdu 7,16% en clôture, Francfort 6,49% et Paris 6,82%.
Sous pression, les dirigeants du G8 se sont prononcés pour la tenue dans "un avenir proche" d'un sommet consacré à une réforme du système financier international, associant des pays émergents, une idée chère au président français Nicolas Sarközy.
Un communiqué commun en ce sens a été rendu public par la Maison Blanche. Le G8 comprend l'Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, le Japon et la Russie.
Des deux côtés de l'Atlantique, le spectre de la récession cristallise désormais toutes les craintes: la reprise de l'économie américaine n'est pas pour "tout de suite", a averti le président de la Banque centrale des Etats-Unis (Fed), Ben Bernanke.
Les signes de détérioration de la conjoncture qui se multiplient en Europe étaient aussi au menu du sommet de crise des dirigeants européens qui s'est ouvert mercredi pour deux jours à Bruxelles.
L'économie allemande, la première d'Europe, est "au bord de la récession", selon les instituts allemands de conjoncture, et l'Irlande y est déjà.
Le sommet européen doit permettre de rallier l'ensemble des 27 membres de l'UE aux plans de sauvetage des banques de 2.000 milliards d'euros des 15 pays de la zone euro et du Royaume-Uni. Reste à convaincre onze pays membres et notamment le plus réticent, la République tchèque.
Les Européens s'apprêtaient à entériner la création d'une "cellule de crise financière" regroupant les présidents de la Banque centrale européenne (BCE), de la Commission européenne, de l'Eurogroupe et du Conseil européen, selon un projet de déclaration dont l'AFP a obtenu copie.
La Commission européenne a proposé de relever de 20.000 à au moins 100.000 euros, d'ici un an, le montant minimum de garantie bancaire des particuliers dans l'UE. Cette proposition va au-delà de la garantie de 50.000 euros décidée la semaine dernière.
Une semaine après la baisse concertée des taux de plusieurs grandes banques centrales, dont la Fed américaine et la BCE, la banque centrale norvégienne a abaissé à son tour son taux directeur d'un demi-point à 5,25%.
La Banque centrale d'Islande, pays ravagé par la crise financière, a même baissé son taux directeur de 3,5 points (à 12%), tout en estimant que ce remède choc ne suffirait pas à empêcher une récession.
Une avalanche de mauvais indicateurs a avivé les craintes sur la santé de l'économie mondiale.
L'activité économique américaine "a faibli en septembre" et "les conditions d'obtention de crédits se sont durcies", a constaté le Livre Beige de la Fed.
Les ventes de détail aux Etats-Unis ont reculé en septembre de 1,2% par rapport à août, une baisse nettement plus importante que prévu.
"L'économie américaine semble en récession", a jugé une responsable de la Fed, Janet Yellen.
Les ventes de voitures neuves ont plongé en Europe de 8,2% sur un an en septembre, atteignant leur niveau le plus bas depuis 10 ans.
Le Royaume-Uni se rapproche à grande vitesse de la barre des deux millions de chômeurs et son taux de chômage a atteint 5,7%, un sommet depuis mars 2000.
Le Premier ministre français François Fillon, évoquant une crise "profonde" et "exceptionnelle", craint "une panne de croissance" pour la France l'an prochain, avec des "conséquences" sur l'emploi.
En Asie, le Japon a vu son excédent courant chuter de moitié en août, et sa production industrielle a baissé de 6,9%.
Les prix du baril de pétrole s'approchaient à grande vitesse des 70 dollars, la dégradation de l'économie mondiale attisant les craintes de déclin de la demande.
Les appels à réformer la finance mondiale se multiplient et les Etats-Unis, jugés responsables de la crise, sont plus que jamais montrés du doigt.
Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso et le Premier ministre britannique Gordon Brown ont exhorté Washington à s'impliquer davantage pour améliorer la surveillance du système financier.
A l'ouverture du sommet à Bruxelles, Nicolas Sarközy a appelé l'UE à soutenir sa proposition d'un sommet international, avant la fin 2008, pour une "refondation" du système financier mondial. "De préférence à New York là où tout a commencé", a-t-il ajouté.
A New Delhi, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud, réunis mercredi en sommet, ont fustigé les pays riches pour avoir provoqué la crise financière mondiale.
En dix jours, les autorités monétaires indiennes ont dû injecter 30 milliards de dollars dans leur système financier pour éviter une crise des liquidités dans la dixième puissance économique mondiale.
Il est particulièrement injuste, s'est emporté le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, que les pays pauvres aient "à payer pour l'irresponsabilité de spéculateurs qui ont transformé le monde en un gigantesque casino".
La Bourse de Sao Paulo, première place financière d'Amérique du Sud, plongeait de 11% à mi-séance.
AFP. 15.10.08.