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Lorsqu'un commissaire-priseur pénètre en juin dans un appartement parisien inoccupé depuis des dizaines d'années pour faire un inventaire, il pense pénétrer dans le château de la Belle au bois dormant, où le temps s'est figé en 1900: il y trouvera un chef d'oeuvre du peintre Boldini.
Dans ce décor recouvert d'une épaisse couche de poussière, il va découvrir à défaut d'une belle endormie, un trésor : une toile magnifique du peintre italien Giovanni Boldini, très en vogue au 19ème siècle. Cette toile vient d'être adjugée à Paris pour un prix record mondial de 2,1 millions d'euros.
"Il y avait une odeur de vieille poussière, on adore ça", a raconté à l'AFP Me Olivier Choppin-Janvry, qui a fait la découverte. Dans cet appartement de 140 mètres carrés, aux plafonds à caissons, avec une cuisine encore équipée d'une immense cuisinière à bois surmontée de sa hotte et d'un évier en pierre, rien n'avait changé depuis des lustres.
La dernière habitante de l'appartement, petite-fille de la femme qui a servi de modèle à Boldini, était partie vivre dans le sud de la France, avant la deuxième guerre mondiale et avait fermé l'appartement, pour ne plus jamais y revenir.
Le tableau de Giovanni Boldini (1842-1931) était accroché dans le salon et représente une superbe femme, Marthe de Florian, nimbée dans une robe du soir en mousseline rose pâle.
En reconstituant l'histoire, à partir des nombreux documents trouvés dans l'appartement, "c'était des gens qui ne jetaient rien", les experts sont arrivés à la conclusion que Mme de Florian était ce qu'on appelle à l'époque "une demi-mondaine" ou une cocotte. Actrice de théâtre, Marthe de Florian - un nom d'emprunt-- était d'une beauté exceptionnelle.
Cette femme avait de nombreux admirateurs qu'elle recevait dans son appartement. "Elle classait les lettres d'amour de ses amants, par expéditeur, en petits paquets retenus par des rubans de couleur différente", raconte un expert qui s'est occupé de l'inventaire.
Dans ses tiroirs, on a aussi retrouvé des cartes de visite d'hommes politiques de l'époque, comme Clemenceau, Waldeck-Rousseau, Doumergue ou Deschanel.
Lorsque le commissaire-priseur a découvert le tableau, il a eu un doute sur son authenticité et a demandé à un expert de l'examiner.
"Aucun livre de référence consacré à Boldini ne faisait mention de ce tableau, qui n'avait jamais été exposé", a indiqué Marc Ottavi, l'expert consulté. Il tombe cependant sur une carte de visite de Boldini, avec quelques mots faisant comprendre qu'il faisait partie du cercle des amoureux de Mme de Florian. "Nous avions le lien, et j'étais sûr à ce moment-là que c'était bien un Boldini de très belle facture", a-t-il ajouté.
L'équipe de Marc Ottavi a cependant continué ses recherches et a fini par trouver une mention de ce tableau peint en 1898, lorsque Mme de Florian avait 24 ans, dans un livre publié en 1951 par la veuve du peintre.
Pour le portrait de Mme de Florian, le prix de départ a été fixé à 300.000 euros. "Nous avions 10 personnes au téléphone et des intéressés dans la salle", raconte M. Ottavi.
Très vite, le tableau est monté à 1,3 million d'euros, et a finalement été adjugé à un amateur en salle pour 1,7 million d'euros, ce qui aboutit à un prix frais compris de 2,1 millions d'euros, un record mondial pour l'artiste.
"C'était un moment magique, on voyait que l'acquéreur aimait le tableau, il a payé le prix de la passion", a ajouté M. Ottavi.
AFP. 07/10/10