Une partie de la calebasse qui mentionne les circonstances dans lesquelles le sang de Louis XVI a été récupéré. Crédits photo: Davide Pettener
Le sang proviendrait d'un mouchoir trempé dans le sang du roi mort guillotiné, retrouvé dans une petite boîte.
Une famille aristocratique italienne habitant Bologne possédait depuis longtemps dans ses collections une gourde (ou calebasse) portant des inscriptions gravées et plusieurs portraits des grandes figures de la Révolution française. Ces fruits, une fois vidés de leur chair, séchés et décorés, faisaient office, à l'époque comme aujourd'hui, de boîtes. L'histoire familiale rapporte que cette gourde avait abrité un mouchoir qui avait trempé dans le sang du roi Louis XVI, le jour où il fut guillotiné, le 21 janvier 1793. Une hypothèse confortée par une inscription: «Maximilien Bourdaloue le 21 janvier de cette année imbiba son mouchoir dans le sang de Louis XVI après sa décollation.»
Les propriétaires de ce petit objet de 23 cm de haut, qui ont tenu à garder l'anonymat, l'ont confié à des biologistes espagnols et italiens afin qu'ils puissent l'expertiser. L'équipe pilotée par Carles Laluela-Fox, de l'Institut de biologie évolutive de Barcelone, est spécialisée dans les recherches génétiques. Ils ont notamment participé au décryptage du génome de Neandertal.
Marqueurs génétiques
«Au début, on ne savait même pas si la substance noire à l'intérieur de la gourde était du sang humain», raconte Carles Laluela-Fox. Mais c'est ce qu'ont mis en évidence, chacun de leur côté, l'institut de Barcelone et l'université de Bologne. La fine pellicule noire desséchée contenait de l'ADN humain bien conservé, appartenant à un homme. Première indication. S'agit-il ou non d'ADN royal? La question n'a pas été tranchée mais elle pourrait l'être prochainement. Les chercheurs publient les résultats de leurs travaux dans le numéro de novembre de la revue Forensic Science International: Genetics .
Une famille italienne possédait dans ses collections une calebasse portant des inscriptions gravées et plusieurs portraits des figures de la Révolution.
«Il aurait été possible de séquencer le génome de l'individu dont le sang se trouve à l'intérieur de la boîte mais cela ne nous aurait pas permis d'en savoir plus sur son identité. Nous nous sommes focalisés sur des marqueurs génétiques utilisés couramment lors des recherches médico-légales», explique Carles Laluela-Fox. D'une grande variabilité chez les humains, ces marqueurs permettent de détecter des filiations de manière très fine. «Ils sont courts et donc facilement repérables. Ils sont aussi très stables dans le temps», souligne Olivier Pascal, président de l'Institut français des empreintes génétiques.
Gène associé aux yeux bleus
Les propriétaires de ce petit objet de 23 cm de haut, qui ont tenu à garder l'anonymat
Certains traits retrouvés dans l'ADN sont plutôt rares dans les populations européennes. Mais, en l'absence de données génétiques recueillies sur des parents du roi, les chercheurs ne peuvent pas dire à qui appartient cet ADN. Seule indication, le gène (HERC2) est présent dans l'ADN analysé. Or, ce gène est associé aux yeux bleus, couleur des yeux de Louis XVI.
Carles Laluela-Fox souligne que ses travaux ont suscité beaucoup d'émoi. «J'ai reçu des centaines d'e-mails, d'appels téléphoniques ou de lettres de personnes se prétendant descendants de Louis XVI. D'autres m'ont dit que les recherches auraient dû être faites en France». «C'est très bien que cette recherche n'ait pas été faite en France. La recherche doit être internationale et dépassionnée. De toute façon nous n'aurions pas fait mieux, même si on reste un peu sur sa faim», estime Philippe Charlier.
Des indices dans le coeur de Louis XVII
«Pour prouver que le sang présent dans la gourde appartient à Louis XVI, il faudrait extraire des échantillons du cœur de Louis XVII, son fils, déposé à la basilique Saint-Denis, et comparer les deux chromosomes Y (chromosomes sexuels masculins)», concluent les chercheurs espagnols et italiens. Pour Jean-Jacques Cassiman, ce n'est pas forcément la bonne piste. «Nous n'avons pas pu mettre en évidence l'ADN nucléaire, où se trouve le chromosome Y, dans le cœur de Louis XVII», explique au Figaro le chercheur de l'université de Louvain. Il a donc choisi de comparer l'ADN mitochondrial (transmis par les mères) de Marie-Antoinette et Louis XVII. C'est ainsi qu'il a pu confirmer leur filiation. Une voie prometteuse. «Je travaille actuellement sur les restes de la jambe de la mère de Louis XVI et je vais entrer en contact avec Carles Lalueza-Fox pour comparer l'ADN mitochondrial», confie le légiste Philippe Charlier.
Le Figaro - 14/10/11