Sa sortie, jeudi, sur la Shoah (une nouvelle fois considérée comme «un détail de l'histoire») n'était donc qu'une première étape vers une autre interview qui devrait être bien plus commentée. Jeudi, l'hebdomadaire d'extrême droite Rivarol publiera une longue interview de Jean-Marie Le Pen. Le président d'honneur du Front national se lâche sur plusieurs domaines, une nouvelle fois à rebours de la ligne politique de sa fille.
● Pétainisme
Jeudi, il assurait à BFM-TV et RMC qu'il y a au sein du Front national «d'ardents pétainistes». Dans Rivarol, il ajoute: «J'ai toujours oeuvré à la réconciliation des Français. (...) Pour ma part, comme je l'ai déjà dit, je n'ai jamais considéré le maréchal Pétain comme un traître. L'on a été très sévère avec lui à la Libération. Et je n'ai jamais considéré comme de mauvais Français ou des gens infréquentables ceux qui ont conservé de l'estime pour le Maréchal». «Selon moi ils ont leur place au Front national comme l'ont les défenseurs de l'Algérie française, mais aussi les gaullistes, les anciens communistes et tous les patriotes qui ont la France au coeur», explique le fondateur du FN.
● La shoah
Jean-Marie Le Pen revient sur la polémique réouverte jeudi suite à ses propos sur la Shoah, toujours considéré à ses yeux comme «un détail de l'histoire». Des propos condamnés par les ténors du FN. «L'on est jamais trahi que par les siens», s'agace-t-il. «Je ne suis pas homme à changer d'avis ni à ramper», lance Jean-Marie Le Pen qui tient ces propos sur l'Holocauste depuis 1987. «J'ai sur cette question une opinion que je crois justifiée. Ceux qui s'appuient sur ce genre d'opérations pour porter jugement ont le plus grand tort. J'ai cessé de marcher à quatre pattes depuis l'âge de 18 mois. Je ne suis pas l'homo a plat ventrus», explique l'eurodéputé.
● Les homosexuels
Interrogé sur la présence d'homosexuels dans son mouvement, le président d'honneur confirme: «Il se trouve qu'il y a en effet un assez grand nombre d'homosexuels au FN, comme il y en a d'ailleurs dans les autres partis, et ceci pour une raison somme toute assez simple: c'est que ce sont des gens qui sont beaucoup plus libres de leur temps que d'autres». L'octogénaire poursuit: «En général ils n'ont pas de responsabilités familiales. Et donc ils sont beaucoup plus disponibles. Comme de surcroît ils ont le sentiment d'être un peu en marge de la société, ils ont tendance à se regrouper, même s'ils se détestent les uns les autres. Ils forment une communauté.»
«Je crois que l'origine politique de certains actuels dirigeants du Front a plus d'importance que leur comportement personnel», nuance-t-il. Et d'adresser un tacle au vice-président du FN, Florian Philippot, ancien chevènementiste: «Je pense à l'influence nocive d'un homme que je trouve pour ma part tout à fait détestable: Jean-Pierre Chevènement. Il a les apparences d'un patriote alors qu'il est au fond un marxiste. L'influence chevènementiste, si elle continue de s'exercer, est nuisible».
● Le «monde blanc»
Le fondateur du FN appelle à se rapprocher de la Russie «pour sauver l'Europe boréale et le monde blanc». «L'Europe boréale intègre les Slaves mais aussi la Sibérie donc je crains que les Russes puissent la garder seuls». S'il aborde l'immigration musulmane, Jean-Marie Le Pen juge que la menace vient aussi d'Asie: «Il y a un million de Chinois en France. Ce sont des gens intelligents, actifs, discrets mais néanmoins puissants et redoutables», lance-t-il.
●«Nous sommes gouvernés par des immigrés»
«Nous sommes gouvernés par des immigrés et des enfants d'immigrés à tous les niveaux», déplore Jean-Marie Le Pen. Premier ciblé: Manuel Valls. «Valls est Français depuis trente ans, moi je suis Français depuis mille ans. Quel est l'attachement réel de Valls à la France? Cet immigré a-t-il changé du tout au tout? Qu'a-t-il apporté à notre pays? (…) Valls n'est pas un caballero, c'est un très petit monsieur. Le président d'honneur du FN vise également des députés UMP du sud de la France: «Estrosi et Ciotti à Nice, Mariani, ce sont des gens dont les parents étaient italiens…», pointe-t-il.
● La République
Jean-Marie Le Pen s'agace des multiples références à la République faites par Manuel Valls. «Ils commencent à me gonfler tous avec la République! Je ne suis pas royaliste mais cette référence n'est faite d'évidence que pour gommer la référence à la nation», lance-t-il.
●Candidature aux régionales
Dès jeudi, ses propos sur la Shoah ont remis en cause la légitimité de sa candidature aux élections régionales dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. A Rivarol, il dit vouloir conserver la tête de liste: «Je suis candidat tête de liste pour mettre à la porte les socialo-communistes. Je rappelle que j'ai fait aux dernières élections européennes, il y a moins d'un an, plus de 33 % des voix dans la région PACA». En cas de victoire du Front national, il assure qu'il briguera bien la présidence de la région.
Comment Jean-Marie Le Pen a pris le FN de court
Après la polémique suscitée par ses propos sur les chambres à gaz, Jean-Marie Le Pen, recadré par son parti, a voulu frapper fort et montrer son indépendance vis-à-vis de l'appareil du Front national. L'interview-choc qu'il livre à Rivarol a donc été préparée en catimini par le président d'honneur du FN.
«Seul son majordome et sa femme (Jany Le Pen, ndlr) étaient au courant», confie au Scan le directeur de la publication Jérôme Bourbon, qui se dit lui-même «étonné» par le caractère «sulfureux» de l'interview. Même son directeur de cabinet, lui aussi contacté, n'était pas informé de l'interview au moment où Rivarol communiquait dessus. «Maintenant, il fait ça en cachette», s'agace-t-on à la direction du FN.
L'interview, menée par l'ancien député FN Robert Spieler, qui a quitté le parti en 1989, s'est déroulée en deux temps: une rencontre dans l'entre-deux-tours des départementales à Montretout, puis un entretien par téléphone après les propos de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz. Selon Rivarol, l'interview a été relue et validée ce mardi matin par le fondateur du FN.
LE FIGARO