Par Yves Thréard
Ils sont partis quand l'État islamique gagnait du terrain en Irak et en Syrie. Aujourd'hui, leur «rêve» de califat s'est évanoui. Nombre des quelque 42.000 étrangers recensés sur place dans les rangs djihadistes songent au retour. Ils sont ressortissants du Golfe, maghrébins, américains… Européens aussi, pour 5000 d'entre eux.
Plus de 250 Français, dont des femmes et des mineurs, sont déjà revenus. La plupart dorment dans nos prisons. Et attendent leur procès. Pour les accueillir, la loi a changé: beaucoup comparaîtront en cour d'assises. Des images et des témoignages étaieront l'accusation. Ils disent la violence et l'horreur, l'insoutenable et l'indicible. Quand on est commandé pour tuer - élevé, pour les plus jeunes -, peut-on en sortir? Même après des années de rééducation, placés sous étroite surveillance? Terroriste islamiste un jour, terroriste islamiste toujours? Sans être définitif, le verdict appelle la plus grande prudence.
Pour la France et l'Europe, le défi est donc immense. Aucune expérience de déradicalisation n'a encore fait ses preuves. Bien qu'elle provoque des haut-le-cœur aux arbitres des élégances, la déchéance de nationalité devrait s'imposer aux ennemis de l'Occident. Elle se révélerait pourtant plus symbolique qu'efficace.
De retour du front, rien n'interdit, en effet, aux fortes têtes de rentrer dans la clandestinité et de voyager sur le sol européen en toute liberté. Plusieurs des assaillants de novembre 2015 à Paris et de mars 2016 à Bruxelles étaient passés d'un pays à l'autre sans crier gare. Se faufilant entre les réfugiés.
L'Europe sans frontières est une gageure contre ces bombes humaines. Des experts mettent plutôt l'accent sur le renforcement des dispositifs de renseignements. C'est certes utile pour éradiquer le mal. Par tous les moyens, on doit empêcher les «revenants» de revoir un jour l'Europe. Mais quand ils sont là, pour éviter le pire, il paraît urgent de pouvoir aussi les intercepter sur le seuil de notre porte.