Alors, les policiers en ont assez. Assez de cette violence juvénile qui, en 2007, a coûté la vie à vingt-sept adolescents londoniens, la plupart tués à l'arme blanche. C'est pourquoi Bob Carr, commissaire en chef d'Islington, quartier du nord-est de la capitale particulièrement touché par cette vague criminelle, a réclamé une peine automatique de cinq ans de prison pour tout majeur pris en flagrant délit de possession d'un couteau. Les associations de protection de la jeunesse - à l'instar de Knives Destroy Lives Campaign ("les couteaux détruisent des vies") ou Mothers Against Guns ("les mères contre les armes à feu") ont apporté leur soutien à la proposition du commissaire de Scotland Yard.
Le phénomène, qui frappe les quartiers à problèmes des grandes villes anglaises, a été baptisé postcode lottery (la loterie du code postal). Il ne s'agit pas d'une révolte contre les institutions, l'école ou la police. Les "racailles" version britannique s'attaquent à d'autres adolescents pour le contrôle de leur cité.
D'après les experts, même si la majorité des assaillants comme des victimes sont d'origine antillaise ou africaine, le territoire transcende la race ou la religion. "La violence des batailles de gangs à Londres a toujours existé, mais c'est leur intensité qui est nouvelle. Les jeunes criminels portent non seulement des couteaux à longue lame, des cutters ou des hachettes mais aussi des revolvers pour défendre un prétendu territoire, comme si c'était la seule chose au monde qu'ils possèdent", explique le commandant Shaun Sawyer, l'un des chefs de l'anti-gang de Scotland Yard. Cette délinquance sévit dans des quartiers populaires en voie d'embourgeoisement où cohabitent sans se mêler jeunes chômeurs et professions libérales, à l'instar d'Hackney, d'Islington ou d'Enfield.
La plupart des incidents surviennent lors de manifestations sportives ou de concerts, devant les boîtes de nuit, pendant des soirées privées et aux arrêts de bus. "C'est Orange mécanique. Ils pensent jouer dans un film de gangsters. Ils ne parviennent plus à faire la distinction entre la réalité et la fiction", s'alarme Harry Fletcher, responsable du syndicat des éducateurs sociaux, en dressant un désespérant constat d'impuissance.
Dans un entretien au Sunday Telegraph publié au lendemain du drame d'Erith, la ministre de l'Intérieur, Jacquie Smith, (homologue de MAM) s'est engagée à mettre en place un dispositif musclé pour combattre le trafic qui alimente les cités en armes. Pour le gouvernement travailliste, il y a urgence à agir : selon un sondage, deux Britanniques sur trois estiment que le Labour a échoué sur le plan de la lutte contre l'insécurité.
(Source Le Monde 07.01.08)