Le sm Méduse
Pendant les opérations de débarquement sur la côte atlantique marocaine en octobre 1942, le sous-marin français Méduse, endommagé puis traqué par les forces armées américaines s’échoue volontairement au pied des falaises du Cap Blanc.
LA CONSTRUCTION
Le sous-marin Méduse, construit au Havre, appartenait à la classe Diane 2. Il fut mis en service en 1932. Long de 64m, large de 6m pour un poids de 630 tonnes, il était propulsé en surface par deux moteurs diesel de 650 CV. Il pouvait naviguer en complète autonomie sur 4600 Km à 13 nœuds. En plongée, deux moteurs électriques de 550 CV lui permettaient de se déplacer à une vitesse maximale de 9 nœuds, avec un rayon d’action de 160 km. Pour se protéger, il pouvait descendre jusqu'à 80 mètres.
Son armement principal se composait de 6 tubes lance torpille de 550 mm, d’un canon de 75 mm fixé sur le pont devant le kiosque, d’une mitrailleuse de 13.2 mm et deux de 8 mm.
Ce sous-marin a été basé à Brest, puis Oran et enfin Casablanca.
Depuis le 25 juin 1940, l’armée d’armistice stationnée en Afrique du nord, obéissait au gouvernement de Vichy.
L’OPERATION TORCH
A la fin du mois d’octobre 1942, un corps expéditionnaire américain, composé de 35 000 hommes embarqués à bord d’une centaine de navires, appareilla dans le plus grand secret de différents ports de la côte Est des Etats-Unis. Arrivée le 8 novembre à l’aube, en vue des côtes marocaines, l’armada poursuivait un objectif majeur : permettre un débarquement de soldats par péniches, puis d’un armement considérable et poursuivre la guerre à partir de l’Afrique du Nord, jusqu'à obtenir une capitulation sans condition des puissances de l’Axe. L’impressionnante Western Task Force se déploya de Safi à Rabat. L’opération Torch commença. Avec son artillerie de marine et son aviation embarquée elle attaqua principalement les batteries de Pont-Blondin et d’El Hank ainsi que la flotte française piégée dans le port de Casablanca.
Le Lieutenant de Vaisseau Roy commandait pendant la dernière mission du submersible, assisté des trois officiers, les Enseignes de Vaisseau Dischamps, Salmon et Hautière ; 38 marins complétaient le dernier équipage.
DAVID CONTRE GOLIATH
Le sous-marin Méduse, appareilla sur ordre, à 6h25. Sa mission consistait à se positionner au large du port de Casablanca pour attendre l’arrivée de l’escadre « ennemie ». Une cible de choix se présenta : l’imposant cuirassé USS Massachusetts. Comme dans un remake de David contre Goliath, le petit sous-marin bénéficiait seulement de l’effet de surprise. A 11h50, trois torpilles furent expédiées sans succès. Immédiatement pris en chasse et grenadé par les destroyers, le submersible se déroba en plongeant. Il refit surface à midi en face des batteries protectrices d’El Hank. Son commandant demanda alors des consignes par signaux. Deux groupes de trois chasseurs catapultés en profitèrent pour frapper et endommager gravement le bâtiment. Les ballasts arrière crevés par les rafales de mitrailleuses de 12.7 diminuaient considérablement la mobilité du navire. Trois marins furent blessés sur le pont : L’EV Salmon touché au ventre et à la cuisse et les QM Fichet, poignet brisé, et Quemard, biceps gauche arraché. Pendant 36 heures, le LV Roy tenta de sauver son bateau. Il s’approcha du Cap Cantin. L’officier en second Jean Dischamps et deux hommes prirent place à bord d’un canot pour essayer de reconnaître la côte afin d’aborder. En raison de la forte houle de fond, l’ordre fut donné aux hommes de l’embarcation de rejoindre le port de Safi à la rame. Ils furent capturés et internés par les Américains occupant la ville.
L’AGONIE
Devenu presque ingouvernable par la faible pression d’air et le peu d’électricité disponible, le submersible aux abois se dirigea en surface vers Mazagan (actuelle El Jadida). Le 11 novembre, pour éviter de couler au dessus de grands fonds et risquer la vie de ses hommes, le commandant, décida de
Equipage du sm Méduse
saborder son bâtiment en l’échouant volontairement contre les falaises du Cap Blanc (actuel Jorf Sfar). Le dernier homme sorti, toutes les ouvertures furent ouvertes pour couler le bâtiment. Les hommes nagèrent jusqu’au rivage. Ils furent secourus dans un premier temps par le propriétaire de l’auberge du Cap Blanc monsieur Tabone. Les blessés, restés à bord sans soins depuis l’attaque du 8 novembre, furent évacués vers l’hôpital de Mazagan distant de 15 km.
Le 24 avril 1943, le conseil de guerre de Casablanca félicita le commandant et son équipage pour avoir fait plus que leur devoir. Le sous-marin Méduse, les officiers, cinq officiers mariniers et quartiers-maîtres reçurent la Croix de guerre avec palmes. Le reste de l’équipage fut décoré de la Croix de guerre.
EPILOGUE
Le lourd bilan de l’opération Torch, s’éleva à 3000 morts dont 2000 Français. 170 de nos aéronefs et la totalité de nos navires furent détruits, dont l’un des fleurons de notre Marine nationale : le cuirassé de 33000 tonnes Jean Bart. Sept autres sous-marins : Sidi Ferruch, Conquérant, Sybille, Psyché, Oréade, Amphitrite et Tonnant partis de Casablanca le 8 novembre, sont morts au Champ d’Honneur et avec eux 247 sous-mariniers tués et les 265 blessés au cours des combats des 8, 9 et 10 novembre.
Auteur : Pierre Larue
Ndb: Le 8 novembre 1942, lors du débarquement allié en Afrique du Nord, le Jean Bart est attaqué par des bâtiments américains qui l'endommagent gravement, sans pour autant le couler.