BANI WALID/SYRTE, Libye (Reuters) - Les forces du conseil intérimaire au pouvoir en Libye se sont repliées dans le plus grand désordre dimanche après un nouvel assaut avorté contre le bastion kadhafiste de Bani Walid, où elles se sont heurtées à une vive résistance.
Les troupes du Conseil national de transition (CNT) ont également lancé de nouvelles attaques sur Syrte, la ville natale de Mouammar Kadhafi et l'une des dernières poches de résistance loyalistes avec l'oasis de Sabha.
Depuis plusieurs jours, les combattants du CNT s'efforcent de prendre Bani Walid, à 150 km au sud-est de Tripoli, puis se retirent sous le feu des défenseurs de la ville.
Après l'offensive ratée de dimanche, les récriminations se sont multipliées dans les rangs des anciens rebelles face au manque d'organisation et aux errements tactiques du commandement.
"Les fantassins courent en tous sens", a déclaré Zakaria Touham, membre d'une unité basée à Tripoli. "Nos chefs nous ont dit que des unités d'artillerie lourde étaient déjà devant, mais quand nous avons progressé vers Bani Walid, nous n'avons vu personne."
"Les forces de Kadhafi nous frappaient durement à coups de roquettes et de mortiers, alors nous nous sommes repliés."
Un journaliste de Reuters a vu les combattants reculer de deux kilomètres après avoir pénétré dans la localité.
DISSENSIONS
Les anti-kadhafistes de Bani Walid accusent leurs camarades venus d'autres villes du pays de refuser toute coordination. Ceux-ci répliquent que certains combattants locaux sont des traîtres et transmettent des informations aux loyalistes.
"Les commandants de la tribu Warfalla nous disent une chose puis les commandants des autres villes nous disent autre chose. On ne comprend rien", déplore un combattant, Mohamed Saleh.
"Alors, on entre puis on se retire sans aucune raison. C'est impossible de prendre la ville de cette façon. Cela continuera jusqu'à ce qu'ils envoient des troupes plus expérimentées qui savent se servir de leurs armes."
Certains combattants ont choisi de désobéir ouvertement aux ordres.
Un officier de Bani Walid a ainsi été interpellé bruyamment par des hommes venus de Tripoli alors qu'il tenait de les empêcher de tirer en l'air pour célébrer la prise d'un mortier aux forces kadhafistes.
"Tu n'es pas le chef. Ne nous dis pas ce qu'on doit faire", lui a lancé un des soldats.
Les combattants du CNT ont aidé quelques familles à évacuer la ville à bord de leurs pick-up.
"Les deux dernières semaines ont été atroces mais la nuit dernière a été particulièrement horrible", a raconté Zamzam al Taher, une mère de quatre enfants, âgée de 38 ans. "On était pris au piège là-bas, sans voiture et sans nourriture. Il y avait des snipers partout."
LENTE PROGRESSION VERS SYRTE
Parallèlement, les anciens rebelles, appuyés par des avions de l'Otan, ont repris leur lente progression vers Syrte, la ville natale de Mouammar Kadhafi, au lendemain de leur conquête d'Heraoua, une localité située à 60 km à l'est.
Ils ont tiré dimanche des roquettes de l'entrée sud de Syrte et échangé des tirs nourris avec les troupes loyales à Mouammar Kadhafi retranchés dans un centre de conférences.
"La situation est extrêmement dangereuse", a déclaré un soldat du CNT, Mohamed Abdoullah, en bordure de la ville natale du "guide de la révolution".
"Il y a énormément de snipers et tous les types d'armes imaginables", a-t-il dit.
Dans un hôpital de campagne installé dans une station-service à la périphérie ouest de Syrte, un médecin a déclaré que seize combattants anti-Kadhafi et un ambulancier avaient péri dans les affrontements de samedi. Il dit avoir également admis 62 blessés.
De nombreuses voitures de civils ou de 4x4 quittaient la ville en sens inverse. Les habitants en fuite parlaient de pénuries d'eau et d'électricité et de combats de rue.
"La situation est très mauvaise. Les gens vivent dans la terreur", a déclaré Taher al Menseli, un habitant de 33 ans dont les forces du CNT fouillaient le véhicule à un point de contrôle.
"Les partisans de Kadhafi essaient de persuader la population que les révolutionnaires sont des criminels et qu'il faut les tuer. Même si on n'y croit pas, il faut apparaître convaincu", a-t-il expliqué.
Plus au sud, les forces anti-kadhafistes ont dit avoir capturé la petite localité de Birak au cours de leur avancée vers Sabha, à 700 km au sud de Tripoli.
Depuis la chute de la capitale le 23 août, le mystère demeure sur la localisation de Mouammar Kadhafi. Son porte-parole Moussa Ibrahim a assuré samedi que le "guide de la révolution" se trouvait en Libye et dirigeait la "résistance".
Près de quatre semaines après la chute de la capitale, le conseil intérimaire au pouvoir en Libye n'est toujours pas en mesure de déclarer le pays "libéré" et de lancer le processus de transition démocratique promis par les nouvelles autorités.
Jean-Stéphane Brosse pour le service français
Yahoo! Actualités - 18/09/11