Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Christine Lagarde. Christine Lagarde : Bonjour. Le colonel Kadhafi, invité en France pour une visite officielle, s'est exprimé, hier, devant des associations africaines qu'il avait lui-même invitées à l'UNESCO. Il y a déclaré, ceci : "Nous, Africains, avons été réduits en esclavage et déplacés comme du bétail. Après tout cela, nous sommes envoyés dans les banlieues et nos droits sont violés par les forces de police. Si dans ce pays, l'étranger, l'immigré est réprimé, brimé, alors comment ce pays peut-il surenchérir en matière des Droits de l'Homme ?" Que pensez-vous de ces déclarations, Christine Lagarde ? Je n'étais pas à l'UNESCO, hier soir. Je revenais d'Argentine avec le Premier ministre. Je n'ai pas la teneur... C'est choquant ? ... précise de son propos. C'est ça !
Ecoutez, j'observe qu'il a eu des réunions intéressantes avec le Président de la République, que le Président de la République le reçoit à nouveau aujourd'hui. Ce que j'espère, c'est qu'il entendra ce que le Président de la République lui dit en matière de Droits de l'Homme. Je crois qu'il est important... Mais visiblement, non. Voyez !
... de se parler pour s'entendre et de s'entendre pour se comprendre. Les droits des immigrés "violés par les forces de police" ? Ah écoutez, ça fait partie des propos... Un chef d'Etat qui vient dire ça en France. ... manifestement excessifs de ce personnage. Ce voyage vous met-il mal à l'aise, Christine Lagarde ? Vous savez, pour tout ce qui concerne les contrats, en particulier, parce que je crois qu'il y a eu un peu de polémique à ce sujet, c'était des choses qui étaient annoncées depuis longtemps puisqu'à l'occasion de la visite du Président de la République, tous ces sujets avaient déjà été évoqués. Le fait qu'il se rende en France ça correspond tout à fait à l'approche du Président de la République qui consiste à parler à tous ceux qui sont prêts à parler, tout simplement pour les faire évoluer, pour dialoguer avec eux ; et je pense que c'est une bonne chose parce que si on ne se parle pas, eh bien il y a d'autres moyens à ce moment-là de communiquer qui sont souvent beaucoup plus graves, et je pense en particulier à des attentats récents qui ont ensanglanté l'Algérie, par exemple. Je crois que le dialogue - toujours - est préférable à d'autres moyens tels que la violence. "La France n'est pas qu'une balance commerciale", disait Rama Yade, au début de la semaine. Elle a raison. Elle a raison. La France n'est pas qu'une balance commerciale, bien évidemment. A votre réponse précédente, on aurait pu le croire, Christine Lagarde ? Mais non. Mais vous savez, le fait que d'une part, on ait un dialogue avec un certain nombre d'autres chefs d'Etat qui sont prêts à faire un chemin par rapport à un espace de violence dans lequel ils se situaient, c'est une chose. Et le dialogue me paraît, je le répète, toujours préférable à la violence. Ca, c'est une chose. Par ailleurs, il y a des relations commerciales qui se nouent entre les Etats. Je vous rappelle que c'était Montesquieu qui disait que "là où il y a du commerce, il y a de bonnes moeurs". Faire du commerce, c'est parfois une façon aussi d'aller vers l'autre. Il y a des bonnes moeurs avec le colonel Kadhafi ? Je n'ai pas dit ça. Je vous ai cité Montesquieu qui, en son temps, observait que le commerce était souvent une meilleure façon de dialoguer plutôt que de faire la guerre... Oui, la vie est drôle... Vous avez fait une grande partie de votre carrière Outre-Atlantique, aux Etats-Unis. Si on vous avait dit, un jour, que vous défendriez le colonel Kadhafi ?
Attendez, je ne suis pas en train de défendre le colonel Kadhafi. Je crois que de toute façon, il est parfaitement capable de se charger de la défense de ses propres intérêts. Vous avez raison ! Vous présenterez, ce matin, un projet de loi sur le pouvoir d'achat en Conseil des ministres. Rachat des RTT, déblocage de la participation, primes défiscalisées... Il n'y a rien dans ce projet de loi pour les chômeurs et les retraités. Pourquoi ? On est allé au plus pressé, au plus efficace et à ce qui pouvait être mis en oeuvre immédiatement. Je vous rappelle qu'il y a quatre mesures. Il y a d'une part, le déblocage de la participation pour ceux des salariés qui en disposent jusqu'à concurrence de 10.000 euros. Il y a une prime que les entreprises peuvent verser en exonération de charges sociales pour ceux qui ne disposent pas de participation. Il y a la monnétisation de la RTT et des comptes épargne temps, qui est un moyen pour les salariés de disposer de leur pouvoir d'achat. Et puis, il y a un quatrième moyen qui, lui, est relatif au logement et qui permet, en particulier, d'indexer les loyers sur l'indice des prix à la consommation, ce qui est beaucoup plus favorable que l'indice des prix à la construction, que l'indice composite qui existait jusqu'à maintenant. Donc, vous voyez, ce sont des mesures qui ont pour objet, à la fois, de remettre du pouvoir d'achat dans l'économie, d'alléger les loyers pour les locataires et puis, de remettre un peu le travail au coeur du système une fois de plus puisque c'est la logique dans laquelle nous sommes et qui permet de monnétiser, je l'ai dit, de ce qu'on appelle ces fameux RTT, qui sont du temps libre que des salariés peuvent choisir par accord avec leur employeur, de monnétiser. Et je le disais : rien pour les retraités, les chômeurs ! Alors que les retraités, les chômeurs ont un problème du pouvoir d'achat ? Non, mais je suis très contente que vous parliez de chômeurs parce que moi, je voudrais me féliciter d'un chiffre qui est le chiffre du chômage. Ah, je ne parlais pas pour ça ! On est aujourd'hui à 7%... Je parlais du pouvoir d'achat des chômeurs ! ... Oui, mais vous me lancez sur les chômeurs et je voudrais simplement me féliciter de ce chiffre... Et alors, justement, on va parler des chômeurs. 7,9 %, c'est du jamais vu depuis cinq ans. D'accord ! Voilà, donc ça c'est le chiffre de baisse du chômage... Un chômage qui baisse de manière constante depuis plusieurs années, et de manière importante. Et les statistiques disent que le sous-emploi monte, c'est-à-dire 2,8 millions de personnes qui travaillent dans des conditions qui ne sont pas celles qu'elles souhaiteraient. Non, ce qui exact, c'est qu'il y a du temps partiel, en particulier. Et ça, c'est un sujet sur lequel nous allons beaucoup, beaucoup travaillé en 2008. Il y a le temps partiel, y'a l'emploi des seniors et y'a l'emploi des jeunes.
Sur les jeunes, j'observe que les chiffres s'améliorent sur, à la fois, les temps partiels et en particulier les temps partiels subis. Et sur l'emploi des seniors, il faut absolument que nous travaillons et en qualité de ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi je vais m'attaquer à ces questions-là. Alors, pouvoir d'achat des retraités et des chômeurs. Est-ce qu'on peut rien faire pour eux ? Ecoutez, j'observe qu'en ce qui concerne les retraités, d'abord, il va y avoir au 1er janvier une augmentation qui est habituelle et en ce qui concerne les chômeurs, une fois de plus, je crois que la meilleure façon de lutter contre le chômage, c'est d'inciter tous ceux qui cherchent du travail à avoir une démarche pro-active. Je suis en train de mettre en oeuvre la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC qui a précisément pour objet de mettre en place une plateforme de services où les demandeurs d'emploi trouvent un accueil, un accueil personnalisé, des propositions de formation afin de s'adapter aux emplois qui sont aujourd'hui en demande. Vous savez qu'aujourd'hui, M.Aphatie, il y a plus de 500.000 postes qui ne trouvent pas de salariés. Alors, nous avons un tout petit peu moins de 2 millions de personnes en recherche d'emplois. Tout l'objet de cette réforme, tout l'objet de notre démarche c'est de faire en sorte que ces 500.000 postes qui cherchent un salarié, eh bien trouvent quelqu'un et réciproquement que le plus possible de demandeurs d'emplois trouvent un emploi. François Fillon, Premier ministre, a indiqué aux "Echos" de lundi que pour 2008, les incertitudes sont plus fortes sur la croissance. Allez-vous revoir votre prévision de croissance ? Pour le Budget 2008, vous aviez prévu 2,25 et elle semble très optimiste en fonction de tout ce qui se passe. Pendant l'été, j'ai été abreuvé de commentaires sceptiques sur la croissance en 2007. On a parlé de... Et là, c'est le Premier ministre qui en rajoute un d'un commentaire sceptique... Laissez moi finir ! On m'a parlé de 1,6%, puis, on a parlé de 1,7%. Puis au fur et à mesure où les chiffres étaient finalement assez bons sur le troisième trimestre 2007 en particulier, où les intentions d'achat des industriels se précisaient, on a dit : "Ah, peut-être 1,8%, et puis maintenant, on est à 1,9%". Alors, vous savez les précisions de croissance, elles fixent des objectifs. Elles permettent de construire des budgets. Le budget 2008, il est construit sur une fourchette qui va de 2% à 2,5%, avec un point médian qui est 2,25. Et vous gardez cette prévision ? On garde cette prévision. Elle est bâtie sur des hypothèses qui nous paraissent justes ; et je ne pense pas compte tenu en particulier du sucroît de croissance que nous attendons des mesures qui ont été prises, et cet été avec les heures supplémentaires, qui marchent bien, et maintenant avec le pouvoir d'achat, je ne vois pas de raisons de les modifier. Et le Premier ministre a tort de parler d'incertitude ? Le Premier ministre n'a pas tort de parler d'incertitude. Il a raison d'évoquer un certain nombre de points qui sur le plan international en particulier, constitue des menaces mais contre lesquelles nous avons pris les mesures internes pour doper la croissance... Christine Lagarde, pour qui le Commerce favorise les bonnes moeurs - mais c'est Montesquieu qui l'a dit, paraît-il - était l'invitée de RTL ce matin. Bonne journée. |