Ils sont des milliers à déposer, en ce moment, leur dossier dans les préfectures ou les Caisses d'allocations familiales, dans le cadre de la toute nouvelle loi sur le droit au logement opposable. Leur but : obtenir enfin une habitation décente.
Ils dorment dans un hôtel insalubre, squattent chez des amis ou mettent en péril leur santé dans un taudis privé. Tous rêvent d'un « chez-soi ». Tous misent sur la loi sur le droit au logement opposable (Dalo) entrée en vigueur le 1er janvier et qui doit leur garantir, dans un avenir proche, un toit décent.
Depuis deux jours, préfectures et Caisses d'allocations familiales (CAF) de l'Hexagone voient affluer des milliers de mal-logés venus chercher le formulaire nécessaire pour monter un dossier. Nous en avons rencontré hier après-midi à la préfecture de Paris. La loi Dalo s'adresse, dans un premier temps, à six catégories prioritaires dont les personnes sans logement, menacées d'expulsion sans relogement ou celles logées dans des locaux impropres à l'habitation. Les premiers cas seront étudiés ces prochaines semaines, par des commissions mises en place dans chaque département. Si aucune solution n'est avancée, les demandeurs auront le droit de déposer un recours devant le tribunal administratif à partir du 1er décembre 2008. Les appartements, qui peuvent être proposés, relèvent du « contingent préfectoral », soit 60 000 disponibles pour... 600 000 candidats potentiels. Autant dire que la loi Dalo pourrait rester lettre morte sans une sortie de terre massive de HLM. Hier, la ministre du Logement Christine Boutin s'est dite prête à « utiliser tous les instruments à sa disposition », comme la réquisition, la préemption ou le recours au parc privé, « pour que le bug soit aussi petit que possible ».
MALIKA vit dans un hôtel payé par l'Etat 4 712 € par mois
Depuis un an, Malika, 39 ans, son mari, barman en CDI, et leurs quatre enfants, âgés de 3 ans et demi à 13 ans, prennent leurs quartiers dans trois chambres d'un hôtel touristique de Paris. « Cela coûte une fortune : 4 712 € par mois. Plus des trois quarts de cette somme sont pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance de Paris.
Il me reste à payer 1 163 €. Mais, avec les allocations logement, cela me revient à 400 €. C'est incroyable ce gâchis d'argent public. C'est pas de l'argent que je sors de ma poche, mais ça me fait quand même mal au coeur », témoigne celle qui ne veut pas que l'on reconnaisse en photo son visage parce que ses « gamins ont honte de leur sort ». Elle mise sur son dossier droit au logement opposable qu'elle est venue retirer hier après-midi. « En me proposant un logement à loyer modéré, c'est l'Etat qui ferait de sacrées économies et toute ma famille qui retrouverait un peu de confort. »
TOUFIK, électricien de 39 ans, qui habite avec sa famille un logement insalubre
Un logement HLM, il en a déjà un. Mais il le trouve exigu et dans un état qui laisse sérieusement à désirer. « Il fait 28 m 2 et se trouve dans le XIème arrondissement de Paris.
Avec mes deux enfants de 4 et 9 ans, on n'a pas de place. En plus, c'est humide en hiver et il y a des moisissures. Or, mon fils est allergique », décrit Toufik, 39 ans, Français d'origine algérienne. En quête de changement depuis cinq ans, cet électricien qui « gagne bien sa vie » postule plus que jamais pour un « toit avec de l'espace ». « Un F3 bien au sec, ça ferait l'affaire. » Ahmed, 53 ans, lui, rêve d'un deux-pièces. Suite à une séparation, ce décorateur (1 800 € par mois) a quitté le domicile conjugal. Dans l'hôtel de Montreuil (Seine-Saint-Denis) où il a posé ses valises il y a un an, il ne peut « pas faire la cuisine » et recevoir dignement ses enfants âgées de 13 et 18 ans. Celui qui n'a « pas de dettes, paie chaque mois des impôts et, en trente ans, n'a jamais eu d'impayés de loyer » a écrit au maire de Paris et à celui du XXème pour les alerter sur sa situation. Sans suite concrète.
SKANDERS, 30 ans, ingénieur au chômage
Il est à la recherche d'un emploi, ingénieur en aéronautique fraîchement diplômé d'un master de l'Ecole nationale de l'aviation civile (Enac) de Toulouse. Elle, est, depuis un mois, vendeuse dans une boulangerie. Mariés depuis deux ans, Skanders, 30 ans, Algérien qui a une carte de résident, et Sandrine, 24 ans, fille d'une femme de ménage et d'un chauffeur-livreur, vivent chez la maman de monsieur dans le XIème arrondissement de Paris.
« Ma mère se désespère. Sans elle, on serait à la rue. On est cinq dans 40 m 2 . On dort dans le salon, on n'a pas du tout d'intimité », résume Skanders, cravate et chaussures bien cirées. Trouver un toit dans le privé lui paraît, pour l'instant, mission impossible. « J'ai pas de boulot et pas de garant. Alors forcément, les propriétaires se méfient », regrette le érémiste bac + 6... Le couple espère entrer dans les critères du droit au logement opposable. « Bien sûr, il y a plus de demandes que d'offres. Mais, bon, faut être optimiste, on demande juste un F 2. »
SAMIA, 35 ans, agent administratif, vit à 6 dans le deux-pièces de sa soeur
A l'entrée de la préfecture où la devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité » saute aux yeux, Samia, 35 ans, arrive avec un épais dossier de demandes de logement social dans son sac et un ventre très rond, enceinte de neuf mois. « Je peux accoucher d'une seconde à l'autre. Si je mets au monde mon garçon à la préfecture, peut-être qu'ils me trouveront enfin un toit », confie-t-elle, sans rire.
Huit ans qu'elle attend désespérément un appartement. Pour l'heure, cette agente administrative dans un hôpital, en CDD, survit avec son fils de 13 ans chez sa soeur, dans un deux-pièces du XVIIIème arrondissement. « On est six. Mon enfant, qui est en 5ème , fait ses devoirs à la cuisine ou, quand c'est pas possible, au McDo. C'est pas facile pour se concentrer. » En 2006, la commission d'attribution des HLM lui a envoyé une réponse négative. « A la mairie, on m'a dit qu'il fallait patienter et renouveler ma demande. Mon frère, lui, m'a conseillé de les harceler et de ne pas perdre espoir ». La loi Dalo, c'est sa « dernière chance ». « Je suis sur le point de craquer."
(Le Parisien 04.01.08)
Il existe pour ceux qui n'ont pas la nationalité française une autre solution: le retour dans leur pays d'origine. Nul n'est obligé de "souffrir" en France dans un appartement jugé trop petit, insalubre, plein de moisissures...