Jeudi, vers 17 heures, il pêche le calmar à proximité de la crique de Paraguano, située à un kilomètre au nord de Bonifacio. A ses côtés, trois ou quatre autres embarcations. La mer n’est pas bonne, le vent souffle fort.
Le retraité aperçoit alors, en provenance des côtes sardes, un yacht d’environ une trentaine de mètres. Le bâtiment tente de se mettre à l’abri dans ce que l’on appelle ici « la crique des contrebandiers », un nom qui est hérité de l’époque où de nombreux trafiquants en tout genre se servaient de cette petite plage comme d’un discret point d’entrée sur l’île.
« Cela m’a tout de suite intrigué, explique Gennaro Piro, je n’ai pas compris pourquoi, avec le temps qu’il faisait, il n’allait pas s’abriter dans le port de Bonifacio tout proche ». Le yacht manoeuvre mais la crique est trop petite. Il décide alors de faire un demi-tour et d’entrer dans celle de Paraguano. « Le bateau est passé à dix mètres de moi, raconte Gennaro. Il faisait au moins trente mètres de long, avec deux étages au-dessus du pont. Son nom était écrit en grosses lettres de cuivre à l’avant, mais je n’avais pas mes lunettes avec moi et il faisait beaucoup trop sombre, alors je n’ai malheureusement pas réussi à le lire ». Sur le pont, le pêcheur aperçoit deux hommes en tenue de travail qui préparent le mouillage, personne d’autre. Le yacht est bleu marine, toutes ses vitres sont teintées et surtout son pavillon est baissé. « Il y avait des traits rouges et blancs mais comme il était attaché on ne voyait pas bien, je dirais que c’était un pavillon américain ou anglais mais je ne suis pas sûr, poursuit Gennaro. Sur le moment, je me suis dit que je devais appeler les gendarmes. Je regrette vraiment de ne pas l’avoir fait ».
Quand il quitte les lieux à 19 heurs, il fait nuit noire et le bateau est toujours ancré dans la crique où le lendemain matin les 123 réfugiés ont finalement été découverts.
Les gendarmes, qui ont procédé à l’audition de Gennaro et d’autres pêcheurs, qualifient cette piste de sérieuse.
Des recherches ont d’ailleurs été lancées afin d’identifier et de localiser ce mystérieux yacht.
Mais les investigations se révèlent difficiles. Les gendarmes et les agents des douanes ne disposent que d’un signalement sans immatriculation.
Les enquêteurs, qui cherchent à comprendre pourquoi les clandestins sont apparus en « si bonne » forme, bien habillés et même maquillées pour certaines femmes, creusent aussi l’hypothèse d’une arrivée par camion via un ferry reliant la Sardaigne à la Corse. Sans pour autant bénéficier aujourd’hui d’éléments probants.