Grégor Puppinck est docteur en droit et directeur du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ). Il s’apprête à saisir l’Assemblée parlementaire et lance une pétition pour l’obliger à assurer une protection aux enfants nés vivants à la suite d’un avortement.
Vous allez saisir l’Assemblée parlementaire au sujet de l’infanticide néonatal. Pourquoi ?
Cette saisie est l’aboutissement d’une lutte qui dure depuis des mois et de plusieurs scandales relayés par la presse européenne mais peu par la presse française.
L’Angleterre avait été secouée en découvrant que 60 enfants avaient survécu à un avortement tardif avant d’être laissés à l’abandon.
En Norvège, le gouvernement a même adopté une loi pour limiter le recours à l’avortement au-delà du seuil de viabilité après la découverte de cas similaires, grâce au témoignage d’une sage-femme.
En Italie, un scandale avait éclaté après qu’un prêtre était venu prier auprès d’un de ces enfants le lendemain de l’avortement et l’avait découvert encore vivant…
Chaque année, de nombreux enfants naissent vivants lors d’avortements, en particulier quand ils sont pratiqués au-delà de la 20e semaine de grossesse. Ces enfants sont le plus souvent abandonnés à la mort sans soins, luttant pour respirer pendant parfois plusieurs heures, ou tués par injection létale ou asphyxie, puis jetés avec les déchets biologiques.
Alors, un député espagnol, Ángel Pintado, s’est saisi du problème et a posé une question à ce sujet au comité des ministres du Conseil de l’Europe, qui réunit les gouvernements des 47 États membres.
Que leur a-t-il alors demandé ?
La Cour européenne des droits de l’homme garantit le respect de la vie à partir de la naissance seulement, mais les enfants en question naissent bien vivants. Le député a donc demandé au comité des ministres ce que l’Europe comptait faire pour protéger ces enfants qui ont droit au respect de leur vie, de leur intégrité physique et aux soins de santé normalement garantis par la Convention européenne des droits de l’homme.
La question a provoqué de très nombreux débats au sein du comité des ministres.
De nombreux gouvernements ont soutenu le député et appelé à protéger ces nouveau-nés, sans discrimination fondée sur les circonstances de la naissance, conformément aux droits de l’homme.
Certains de ces gouvernements ont même encouragé l’ensemble des pays à tenir compte du seuil de viabilité dans leurs lois respectives sur l’avortement.
Pourquoi cela n’a-t-il donc pas abouti à des mesures de protection pour ces enfants ?
Parce que toute décision du comité des ministres doit être prise par consensus ; or, un petit nombre s’y est opposé. Au bout de six mois, le comité a donc répondu qu’il n’était pas capable de trouver un consensus…
C’est à partir de ce moment-là que vous avez engagé les procédures ?
Effectivement, le 1er novembre dernier, le Centre européen pour le droit et la justice, le Bureau international catholique de l’enfance, l’Union mondiale des organisations féminines catholiques et la Fédération des associations familiales catholiques en Europe ont demandé à M. Nils Muižnieks, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, de le rencontrer pour lui remettre un dossier exposant le sort de ces enfants.
Il s’était opposé à l’avortement sélectif selon le sexe – le « féminicide » – en janvier dernier, nous étions donc assez confiants.
Mais après nous avoir fait tourner en rond pendant quelques jours, le Commissaire aux droits de l’homme nous a fait savoir le 19 novembre qu’il estimait que la situation de ces enfants ne relevait pas de sa compétence et qu’il n’y avait donc pas lieu de nous rencontrer…
Comment expliquez-vous ces comportements en face d’une situation objectivement dramatique ?
Le sujet est tabou, on touche à la question de l’avortement et de l’infanticide eugéniste et certains gouvernements craignent de remettre en cause l’avortement tardif en reconnaissant les droits de ces nouveau-nés.
J’ai récemment échangé avec une avocate parisienne qui travaille sur le sujet et qui me confiait qu’en France, certains enfants handicapés sont tués encore après leur naissance, au motif que l’avortement est possible jusqu’au terme en cas de malformation…
Nous touchons des questions délicates que personne n’a trop envie de remuer.
C’est donc pour cela que vous saisissez désormais l’Assemblée parlementaire…
Ce commissaire a refusé très indélicatement de répondre à quatre ONG reconnues pour la qualité de leur travail dans le monde, il ne reste donc que cette option : demander cette fois aux parlementaires d’oser se confronter à ce sujet.
Nous travaillons directement avec des députés mais nous avons lancé une pétition pour peser lors de cette requête. Seuls, nous avons toutes les chances d’être refusés. Á plus de 100.000, les choses sont différentes…
Il faut mettre à jour cette pratique répandue de l’infanticide néonatal.
Nous ne pouvons accepter que dans un même hôpital tous les efforts possibles soient faits pour réanimer un enfant prématuré de 22 semaines pendant que, quelques mètres plus loin, un petit de 26 semaines est laissé à l’agonie sous prétexte qu’il n’aurait pas été désiré… C’est inhumain.
Entretien réalisé par Charlotte d’Ornellas
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