Dans un avis rendu hier, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité recommande la levée de la condition de nationalité qui interdit aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne l'accès à plus de 7 millions d'emplois.
Nicolas Sarközy l'a encore rappelé la semaine dernière dans sa lettre de mission adressée à Eric Besson : le taux de chômage des étrangers non ressortissants de l'Union européenne est deux fois plus élevé que celui des nationaux, à 22,5 %, selon les chiffres de l'Insee. Un échec de la politique d'intégration à la française certes, mais aussi le fruit de politiques successives de fermeture de l'emploi aux étrangers. C'est ce dernier point qu'une délibération de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) a remis en cause hier.
Dans un avis transmis au gouvernement, la Halde recommande de supprimer la condition de nationalité qui ferme l'accès de 7 millions d'emplois aux étrangers non communautaires, soit 30 % de l'ensemble des postes de travail. C'est dans le secteur public que le gisement de métiers « interdits » aux étrangers est le plus important puisqu'il atteint 5,2 millions d'emplois, selon un rapport du GELD de mars 2000, qu'il s'agisse de la fonction publique ou d'entreprises de service public (lire ci-dessous).
La Halde reconnaît que l'accès à certaines catégories d'emplois peut justifier une condition de nationalité : c'est le cas notamment des fonctions qui touchent à la souveraineté nationale ou à l'exercice de prérogatives de puissance publique (armée et police par exemple). De même, la condition du diplôme, ou d'une équivalence, exigés des étrangers pour accéder à certaines professions ne fait pas débat. Mais qu'il ne soit pas possible à un étranger non communautaire d'exercer la profession d'expert-comptable ou de notaire, alors même qu'il possède les diplômes requis et les compétences nécessaires, voilà qui se justifie plus difficilement. La liste (lire ci-dessous) des emplois fermés nécessite donc, selon la Halde, d'être actualisée.
En outre, la France n'a transposé en droit français qu'en partie une directive européenne datant du 25 novembre 2003, qui prévoit que les ressortissants des pays tiers « résidant de manière légale et ininterrompue sur le territoire d'un Etat membre depuis cinq ans » puissent avoir un égal accès à l'emploi que les ressortissants nationaux.
Une proposition de loi
Une brèche avait déjà été ouverte par la sénatrice Barissa Khiari, qui a récemment soumis une proposition de loi portant sur la levée de la condition de nationalité pour huit professions libérales : médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, vétérinaires, architectes et experts-comptables (« Les Echos » du 12 février). Le texte, voté par le Sénat le 12 février dernier, n'a pas encore été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Son adoption, selon la sénatrice, ne devrait pas poser problème.
L'avis de la Halde, qui va bien plus loin que cette proposition de loi, aura peut-être plus de mal à se concrétiser, surtout en période de crise économique. « A l'heure où l'on parle si souvent de promotion de la diversité, estime Barissa Khiari, ce serait pourtant un moyen efficace et concret d'y parvenir, bien plus que les statistiques ethniques ou la discrimination positive qui ne sont qu'un rideau de fumée pour cacher les vrais problèmes. »
Les Echos.fr 16 avril 2009