Très posé, âgé de 19 ans et élève en première année à Sciences Po Paris, F. G. n'a rien oublié de son agression, lors de la nuit du 6 au 7 décembre : pris à parti dans le bus Noctilien à Paris, il a été frappé par quatre voyous. La scène, filmée par une caméra de vidéo protection, a circulé sur Internet avant de déclencher la polémique. Un policier, soupçonné de l'avoir mise en ligne, a été suspendu.
F.G. revient sur les événements. Dans une brasserie de gare parisienne où il s'apprête à prendre un TGV, il se livre «en exclusivité pour Le Figaro qui m'a retrouvé le premier. Après quoi, je ne dirai plus rien. Je veux passer à autre chose…»
LE FIGARO. - Que s'est-il vraiment passé dans le Noctilien, cette nuit ?
Je passais une soirée avec des amis et je m'apprêtais à rentrer chez moi dans le XVIIe arrondissement. Je prends le Noctilien gare de l'Est, tout seul. Je tourne le dos à quatre jeunes hommes. Pendant que l'un me demande une cigarette, l'autre me fait les poches. Lorsque je me retourne, je vois l'un d'eux qui manipule mon portefeuille. À l'instinct, je tente de le récupérer. C'est alors qu'a commencé l'affrontement…
Votre agression, très violente,a dû vous sembler interminable…
D'un point vu spatial ou temporel, j'ai beaucoup de mal à évaluer ce que j'ai vécu. En voyant la vidéo, cela m'a permis d'ancrer mon agression dans le réel. Je me souviens juste qu'ils me poussent vers l'arrière du bus, que j'ai été frappé à terre. Dans une seconde phase, je suis revenu vers le conducteur avant de recevoir des coups de pied et de poing. Comme en témoigne la vidéo, d'autres voyageurs aussi ont été molestés, notamment un jeune homme tentant de me porter secours.
Et le chauffeur, qui reste assis ?
Je ne lui en veux pas. C'était très difficile pour lui de réagir. Il est intervenu à sa façon, observant les consignes : il a arrêté tout de suite le bus et a téléphoné aux policiers. Très vite sur place, ils ont arrêté deux personnes tandis que leurs complices présumés l'ont été quelques jours plus tard.
Des sites Internet affirment que des injures raciales auraient été proférées à votre encontre…
Personnellement, je n'ai rien entendu de la sorte. Ces propos, s'ils ont été dits, interviennent dans un contexte où mes agresseurs étaient drogués ou ivres. Par ailleurs, ils n'étaient pas tous issus de l'immigration. La vidéo de mon agression apparaît comme très stéréotypée car, ce soir-là, je suis habillé de façon bourgeoise et je suis face à quatre jeunes qui faisaient beaucoup de bruit. En aucun cas, je ne veux pas passer pour l'incarnation d'une certaine image sociale qui aurait été prise à partie par des étrangers. Je ne l'ai pas ressenti comme cela. L'un des assaillants en survêtement, rasé, avait d'ailleurs une couleur de peau très pâle…
Comment se sort-on d'une telle épreuve ?
Hormis un hématome à l'œil et des bleus, aucune séquelle n'a été décelée. Deux jours après les faits, je suis allé consulter un psychiatre de l'Hôtel-Dieu de Paris qui m'a dit que j'avais l'air de bien vivre cette histoire. Depuis, je reprends les transports en commun, et même le Noctilien…
Cette histoire vous est revenue tel un boomerang par Internet…
Oui, le 6 avril dernier, un ami me dit qu'une vidéo a été mise en ligne sur Facebook. En voyant le lien, je m'apprêtais à demander à l'internaute qui l'avait postée de la retirer. Je ne me suis pas rendu compte qu'elle allait être diffusée à une telle échelle…
Cette diffusion semble vous avoir autant perturbé que l'agression ?
Il est vrai que la situation est très difficile, très délicate. Beaucoup d'amis ont été choqués par cette diffusion qui me blesse. Diffuser ces images sur Internet est très grave car elles remettent en cause une partie de nos principes juridiques. Il y a eu un grave amalgame entre la réalité de cette scène et sa représentation. Cette vidéo a circulé sur des sites extrémistes et a été exploitée par des politiques. Or, je ne veux pas être instrumentalisé. Le sujet est propice aux idées radicales et je n'ai aucune envie de nourrir cela. Il me fallait sortir de cette réductrice caricature. Le fait d'apparaître brutalement au centre d'une polémique de cette ampleur n'est jamais très agréable. Cela me blesse beaucoup alors que j'avais réussi à dépasser le fait en lui-même. Je quitte Paris sans haine, pour me retrouver au calme avec mes proches.
Interview exclusive du Figaro - 10/04/09