Depuis cinq jours, le site de microblogging Twitter est devenu le porte-voix d’une partie de la jeunesse iranienne.
Mardi, par exemple, le candidat réformateur Mir Hossein Moussavi appelle ses soutiens à ne pas manifester à Téhéran. Trop dangereux, alors que les partisans de Mahmoud Ahmadinejad prévoient de se réunir au même endroit. Mais toute la journée, un appel à maintenir le défilé circule sur Twitter. Quand la télé officielle retransmet la marche pro-Ahmadinejad, le site relaye celle des pro-Moussavi, plus rapidement que les agences de presse. C’est aussi sur cette plateforme que tournent photos et vidéos témoignant de la violence de la répression.
Accessible. Dans la guerre de l’information qui se joue en Iran, Twitter est un acteur clé. A tel point que des opérations de maintenance du site prévues mardi (à 09 h 15, heure iranienne) ont été reportées par l’entreprise, après une discrète intervention des autorités américaines. Les quatre-vingt-dix minutes de coupure ont finalement lieu en pleine nuit, un «moment moins critique», selon le fournisseur. Quand les autorités iraniennes censurent les journaux, bloquent les sites des opposants, Twitter fonctionne toujours. Accessible par différents canaux (Internet, téléphones portables), la plateforme de microblogging est très difficile à faire taire. Depuis dimanche, l’occurrence «Iran election» représente jusqu’à 2 % du trafic total de Twitter.
Face aux difficultés rencontrées par les journalistes sur place, le site est devenu une des sources privilégiée des médias occidentaux. Les blogs et les vidéos des internautes iraniens sont repris par les sites d’information partout dans le monde, au risque parfois de propager de fausses nouvelles. Une vidéo montrant la police tirant sur une petite fille a circulé ce week-end, avant que les internautes ne découvrent qu’elle datait en réalité de 2007 (sic). Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la cyber-mobilisation iranienne va au-delà des milieux étudiants et intellectuels de Téhéran. Selon Julien Pain, responsable du site participatif des observateurs sur France 24, «l’Iran est un des pays les plus connectés dans la région. Il y a près de 21 millions d’internautes pour 72 millions d’habitants». Avec des infrastructures de bonne qualité, des fournisseurs d’accès privés et un bon niveau d’éducation, l’Iran a vu se développer une blogosphère très active.
Anglais. L’utopie d’une «révolution Twitter» doit cependant être tempérée. Le soutien des internautes à travers le monde a certes renforcé l’influence du site, mais seules quelques centaines de personnes twittent directement en Iran, dont une petite trentaine en anglais. Comme le souligne Julien Pain, «il faut relativiser l’impact d’Internet».
Libération - 18 juin 2009