Elle est politiquement laïque et en même temps musulmane et croyante, en toute transparence. Au moment où les hamburgers halal du Quick de Roubaix, contestés par le maire PS René Vandierendonck, provoquent un nouveau débat autour de l’islam, Fadela Amara, la fondatrice de Ni putes ni soumises, plaide pour la mesure et la diversité.
"Aux dernières nouvelles, Quick n’est pas un service public. Et le directeur de cette chaîne de fast-food ne s’est pas réveillé un matin en se disant qu’il allait islamiser la France. Nous parlons bien ici d’une entreprise privée, qui veut occuper un marché pour faire du business. Je trouve la réaction du maire de Roubaix exagérée et dangereuse. Il n’y a rien de discriminant dans cette histoire: les consommateurs ont le choix de leur menu et peuvent très bien prendre du poisson. Quand je suis arrivée à Saint-Denis, en 1991, en provenance de Clermont-Ferrand, et que j’ai vu des magasins halal, j’ai trouvé cela très bien. Le dimanche, je vais à la boucherie halal avenue d’Italie, dans le 13e arrondissement de Paris, près de chez moi. Mais quand je déjeune au restaurant, si j’ai envie de poulet, je choisis du poulet sur la carte, même s’il n’est pas halal. Je m’adapte, comme beaucoup de musulmans.
Le peuple "d’en bas", comme on dit, a accepté depuis longtemps que les musulmans aient le droit d’avoir des lieux de culte, des carrés spécifiques dans les cimetières. C’est cela, la laïcité, respecter les pratiques des uns et des autres. Dans cette affaire de fast-food, on mélange, à tort, communautarisme et diversité. Le communautarisme, c’est autre chose. Le voile intégral, par exemple. Ça, c’est un véritable scandale. Qu’est-ce que cela signifie à part la fin de la mixité? On ne peut plus embrasser un autre homme que son mari ni même lui serrer la main, on ne peut plus vivre dans le même espace que les hommes… On entre dans une démarche de mort sociale. Les produits halal, eux, ne mettent en danger la vie de personne.
La véritable question que pose cette polémique, c’est la non-acceptation par ses élites de la diversité de ce pays. Il faut les bousculer pour faire de la diversité un atout pour la France. Ce que l’ensemble de nos concitoyens n’acceptent pas, c’est la violence, notamment celle envers les femmes. Ce qui m’inquiète dans cette polémique, c’est qu’elle crée la confusion. Cette manœuvre est là pour nous empêcher d’aller jusqu’au bout dans le débat sur l’interdiction de la burqa qui reste pour moi le véritable sujet."
Le JDD - 21.02.10