Il n’est pas toujours très amusant d’être lycéen. Surtout quand on vous impose un voyage scolaire, à la mauvaise saison, en Pologne… et de surcroît, non pas pour découvrir les trésors culturels de ce pays, mais pour visiter le camp d’Auschwitz dans le cadre d’un « projet pédagogique sur l’Antisémitisme et la Mémoire ».
Un tel voyage a été vécu par une classe de première du lycée Jean Jaurès de Montreuil. Il faisait froid, il y avait de la neige, les exposés des guides étaient répétitifs et lassants… Quelques élèves, qui se demandaient bien ce qu’ils faisaient là, se sont dissipés. Un a lancé un trait d’esprit pour faire s’esclaffer ses camarades, d’autres se sont lancés des boules de neiges, d’autres encore ont chahuté et fait des grimaces. En temps normal, il n’y aurait pas eu là de quoi fouetter un chat.
Mais tout cela s’est passé à Auschwitz, la « vanne » ne pouvait donc être – de la part d’un adolescent de 17 ans… – qu’un « propos antisémite » justifiant un passage en conseil de classe et une exclusion définitive de l’établissement. Le chahut et les « attitudes désinvoltes » (selon les termes mêmes des enseignants) ont été, quant à eux, qualifiés de profanation d’un « lieu de mémoire hautement symbolique et témoin de la tragédie des Juifs d’Europe » et eux aussi sanctionnés.
Il semble, de surcroît, que ce ne soit que le début des sanctions, et le volet scolaires de celles-ci risque bien, demain, d’être suivi d’un volet judiciaire.
En effet, le grand humaniste et pédagogue, Sammy Ghozlan, qui préside le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme a déclaré dans un communiqué largement diffusé : « Nous demandons au Procureur de la République d’engager des poursuites pénales à l’encontre de ces mineurs et de leurs parents civilement responsables. Nous demandons qu’il soit procédé à des vérifications salutaires, du contexte culturel dans lequel ces adolescents vivent afin d’identifier et de combattre tout ce qui véhicule et influe leurs préjugés. » Il y aura donc la sanction scolaire, la sanction pénale et financière, puis l’inquisition à domicile…
Tout cela rappelons le, non pas pour de dangereux criminels, mais pour des jeunes adolescents « gonflés » par une activité obligée.
Accessoirement, il n’est pas inutile de savoir que celle-ci était financée avec les impôts des habitants d’Ile-de-France, comme si il n’y avait rien de mieux à faire avec ceux-ci.
Mais admettons qu’il soit judicieux de gaspiller dans de tels voyages l’argent que nous avons tant de mal à gagner et que ceux-ci aient un intérêts historique pour les lycéens. Alors, allons jusqu’au bout du raisonnement et montrons leur tous les camps. En Pologne, on pourrait par exemple faire d’une pierre deux coups et visiter, parmi d’autres, sis dans la même région, le camp de Zgoda.
Il fonctionna à partir de 1945 et les éditions Akribea viennent de lui consacrer un livre (1), œuvre de Sepp Jendryschik. Les prisonniers y étaient des membres de la minorité allemande de Silésie, des Polonais anticommunistes et des Tziganes et leurs tortionnaires, dirigés par un coreligionnaire de Sammy Ghozlan du nom de Salomon Morel, leur firent subir de telles tortures et mauvais traitements que plusieurs milliers décédérent en quelques mois.
On n’a quasiment jamais parlé de cela en France, mais CBS consacra à Zgoda un dossier en 1993 et un journaliste américain – d’origine juive polonaise précisons le – fit un certain nombre de recherches qui lui permirent d’écrire un livre : The Wrath of Salomon. Tant et si bien qu’un scandale éclata et que le tortionnaire Salomon Morel fut, bien tardivement, poursuivi par la justice polonaise. Il lui échappa en émigrant … en Israël !
Mais, j’ai un affreux doute dans mon esprit, il se pourrait bien que tous les morts ne soient pas égaux et que les Allemands, les Polonais et les Tziganes de Zgoda, tout aussi innocents que les juifs d’Auschwitz, ne méritent ni voyage scolaire ni devoir de mémoire.
Pourquoi ? Prudemment je laisserai à mes lecteurs le soin de répondre…
Christian Bouchet
1 – Disponible à librad.com ou dans les bonnes librairies.
Altermédia Info - 17 janvier 2010