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A peine son hôte arrivé sur le plateau d’A vous de juger, Arlette Chabot donne le ton. Ce jeudi soir, sur France 2, elle reçoit «un ministre très très contesté». Pas même un gloups d’Eric Besson, qui en a entendu d’autres sur son compte. Le premier débat programmé ce soir en avait, en revanche, hérissé plus d’un d’avance: il confrontait le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale à la vice-présidente du FN, Marine Le Pen.
La SNJ-CGT de France Télévisions avait ainsi réclamé sa déprogrammation, et jugé «totalement inadmissible qu’un tel spectacle ait lieu sur les antennes du service». Selon le secrétaire général du SNJ-CGT de France Télévisions, Jean-François Téaldi, interrogé par Libération.fr, un débat entre «la représentante de l'extrême-droite et celui qui banalise ses idées ne peut que mal tourner».
«Cet exercice d'abaissement national»
Et en pleine émission, c’est le socialiste Vincent Peillon, annoncé pour participer à un second débat face à Besson, qui plante, avec fracas, via un communiqué, Arlette Chabot, dont il demande la démission. L’eurodéputé, voyant dans les modalités d'organisation du débat une «dérive» «indigne et inacceptable», déplore que la direction de la chaîne n'ait «pas trouvé mieux, en cette rentrée 2010, que de consacrer la seule émission politique de début de soirée à Eric Besson et de le faire dialoguer avec Marine Le Pen».
«Pour habiller le tout, on m'a demandé, en tant que responsable socialiste, de venir cautionner cet exercice d'abaissement national en voulant bien jouer les idiots utiles en deuxième partie de soirée», se vexe Peillon, qui estime qu'«on s'est déjà copieusement servi» de sa présence annoncée pour refuser de déprogrammer la soirée. Pas question, poursuit l’eurodéputé, de se «prêter à une telle comédie et [de]servir ainsi de caution». Il conclut : «Que M. Besson, Mme Le Pen et Mme Chabot restent entre eux.»
Forcée d’improviser, Chabot, mine de six pieds de long, encaisse ce «coup d’éclat regrettable», assurant avoir joué franc jeu avec son invité. A l’en croire, la journaliste s’est entretenue le matin avec Peillon pour convenir «du contenu même du débat»: «Il en connaissait parfaitement les conditions, qu’il a acceptées». Elle dément avoir voulu reléguer le socialiste en fin d’émission: «Cela permettait de conclure le débat avec lui.»
«Pas de double portion de Mme Le Pen»
Le ministre bronche à peine, espérant, courtois, que, malgré le déroulé de l’émission chamboulé, on ne va pas lui servir «double portion de Mme Le Pen». L’intéressée, montée entre-temps sur le ring, apprécie. Et enfile à son tour, ses gants de boxe. «On voit que le PS est en dessous de tout […]. Mais bon, vous êtes capable de faire le socialiste et le responsable UMP», balance-t-elle au transfuge.
La frontiste embraye sur le débat sur l’identité nationale lancé, selon elle, «comme un thème de campagne», et ironise sur la version aseptisée des contributions postées sur le site du débat, qu’en donne le ministre. «En réalité, nous sommes bousculés par une immigration massive et l’intégration est un échec total. Vous ne voulez pas entendre cela dans le débat. Les Français souffrent.»
Puis, querelle de chiffres sur l’entrée des immigrés clandestins. «Les petits maires vous lancent un cri d’alarme», agite-t-elle. Le Pen, on ne sait trop comment, a fait ses calculs: tous les trois ans, «c’est une population comme la ville de Lille qui entre dans notre pays.»
«Vous n’apportez rien»
Au tour de Besson de passer à l’offensive: «Vous avez dit à la France entière en roulant des tambours "je veux débattre, je veux débattre". Mais vous n’apportez rien.»
Taclée, au passage, sur son manque d’assiduité au Parlement européen, Marine Le Pen enchaîne sur l’autre débat du moment, le voile intégral: «La burqa est la conséquence de réclamations communautaristes auxquelles le gouvernement refuse de s’opposer.» Veut-elle une loi? Trop tard, balaie-t-elle, estimant qu’il fallait réagir «le jour où la première burqa est arrivée en France». Elle réclame un référendum sur l’immigration et «la fin de la discrimination positive», «du racisme anti-français et anti-républicain».
«Dinosaure de la vie politique»
Le ministre, l'air faussement fasciné: «Vous êtes jeune, vous avez un physique avenant, mais vous représentez un monde qui a disparu, vous êtes un dinosaure de la vie politique, de la vieille politique qui veut dresser les uns contre les autres.»
A la fin du débat, Marine Le Pen, qui avait préparé sa sortie, veut «terminer par une petite question sympathique»:«Combien pèse le fait d’être Français»? Euh… «Un gramme, fanfaronne-t-elle, le poids d’un bulletin de vote» qu’elle exhibe au nez du ministre. Allusion à sa récente position en faveur du droit de vote des étrangers aux élections locales. Arlette Chabot, les yeux aux ciel, s’agace de ses «dix secondes de propagande». La journaliste, elle, ressasse, le faux bond de Peillon qui ne perd rien pour attendre: «On s’en expliquera.»
Libération.fr - 14.01.10