En annonçant réfléchir à une interdiction des listes "anti-sionistes" de Dieudonné, l'exécutif n'a rien dit de la manière dont il pourrait s'y prendre et les experts, interrogés par l'AFP, restaient lundi dans leur ensemble assez circonspects sur les moyens légaux possibles.
Au ministère de l'Intérieur, chargé des élections, comme à celui de la Justice, tous deux saisis depuis une semaine, on se gardait lundi d'avancer des pistes juridiques précises.
Mais selon un ministre, le gouvernement peut recourir à la loi du 10 janvier 1936 relative aux "groupes de combat et aux milices privées" qui fut votée pour répondre aux menaces des ligues factieuses de l'entre-deux-guerres, et enrichie par le législateur plusieurs fois depuis.
Une option confirmée par le professeur de droit constitutionnel Bertrand Mathieu mais, dit-il, il appartiendra "au juge administratif de dire si derrière l'antisionisme se cache une forme d'antisémitisme" comme l'a affirmé le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant.
"Le gouvernemement peut trouver dans cette loi un appui solide mais il devra en apporter la preuve", ajoute le juriste car "on ne peut pas se contenter de risques potentiels". L'Etat pourrait se fonder sur les multiples condamnations de l'humoriste controversé pour des propos sur la Shoah et les juifs.
Un autre constitutionnaliste, Didier Maus, se montre plus "prudent" arguant de "la liberté de candidature aux européennes" qui est d'ailleurs "beaucoup moins restrictive que pour d'autres élections".
"La loi de 1936 n'est pas facile à appliquer", relève-t-il aussi, car "il faudrait identifier un groupement et mettre en avant des éléments de violence physique ou verbale constatés ou d'incitations à la haine".
L'alinéa 6 s'applique aux groupes "qui provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou religion déterminée".
Depuis l'après-guerre, plusieurs dizaines d'organisations ont été dissoutes en vertu de ce texte. Il a été utilisé en août 2002 pour éradiquer le groupe Unité radicale (UR), dont était proche Maxime Brunerie qui avait tenté d'assassiner Jacques Chirac le 14 juillet précédent.
Me Henri Leclerc, ancien président de la Ligue des Droits de l'Homme, met en garde contre les "dérives" qui pourraient conduire à interdire un parti comme celui d'Olivier Besancenot parce qu'il est "contre les formes actuelles du capitalisme".
A gauche comme à droite, les responsables politiques se sont montrés réservés sur la possibilité juridique d'une telle interdiction, qu'ils en approuvent ou non l'idée.
"Soit M. Guéant est certain que l'on peut interdire sa liste et alors on le met en oeuvre en raison de l'antisémitisme de M. Dieudonné. S'il n'en est pas certain (...) et bien là, il vient de faire une faute politique grave", a estimé le porte-parole du PS Benoît Hamon.
Evoquant l'hypothèse où "les moyens de droit ne permettraient pas d'interdire les candidatures", le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefebvre a souhaité que "les autorités publiques, notamment dans les préfectures, soient particulièrement vigilantes au moment de l'étude des professions de foi ou des bulletins".
Une possible référence à la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui régit l'expression pendant les campagnes électorales et réprime l'incitation à la haine raciale ou religieuse ainsi que la contestation de crimes contre l'humanité (???)
AFP. 04/05/09
Et le Bétar et la Ligue de Défense Juive, milices de combat privées, va-t-on les interdire?