Il est dommage que ses conseillers ne lui aient pas fait remarquer qu’une étude réalisée par des chercheurs américains de l’Université de Cornell et publiée dans Climatic Change Letters avait montré une nocivité plus importante quant à l’effet de serre que le pétrole et le charbon. Au moment où on cherche à nous vendre la nouvelle économie verte au nom du réchauffement planétaire, on se dit qu’il existe quelque part un défaut de logique dans tout cela. A moins que certains intérêts n’aient comme argument ultime la loi de l’argent.
Jean-Louis Borloo ne pouvait ignorer non plus que pour extraire ce gaz, les pétroliers doivent procéder à une "fracturation horizontale" de la roche, soit l'injection d'eau à très haute pression alliée à du sable et à des produits chimiques. Les nappes phréatiques courent donc le danger d’être durablement contaminées. Aux Etats-Unis, le documentaire Gasland du réalisateur Josh Fox a d’ailleurs dénoncé l'impact environnemental de l'exploitation du gaz de schiste à Fort Worth.
Les dernières déclarations de Fillion, le mercredi 13 avril, voulant "tout remettre à plat" concernant l'exploitation du gaz de schiste et les autorisations de forages ne doivent pas endormir la vigilance. Car ces propos n’évoquent que les dispositions actuelles, mais ne remettent pas en cause fondamentalement le principe même des objectifs que poursuivent les industries pétrolières. Il est probable qu’une fois les élections présidentielles passées, les multinationales (Total, GDF Suez ou Toréador) reviennent à la charge. Fillon a entr’ouvert cette porte en émettant l’hypothèse qu’on trouvera des moyens techniques susceptibles d’épargner l’environnement. Comme c’est le cas pour le pétrole, sans doute.
Les lobbys pétroliers ont déjà recommencé leur travail de sape. Dans une "lettre ouverte aux députés", les membres de "l'Association des foreurs d'huile et de gaz de schiste" assurent qu’ils peuvent exploiter "proprement" les gisements de gaz de schiste. Reste à définir ce que signifie l’adverbe « proprement ». Il est des manières de tuer ainsi. Benoit Hartmann de France nature environnement, souligne que, de toute façon, il est nécessaire d’ « utiliser des solvants pour extraire le gaz de schiste".
La rhétorique du chantage ne manque pas ses effets. Soit on invoque la « recherche », ce qui donne à une entreprise de prédation une aura de progrès, soit on rappelle la raréfaction du pétrole, et le coût des énergies indispensables à l’économie d’un pays. Et de rappeler que des recherches ont lieu ailleurs, en Argentine, en Mongolie…On nous assure au passage que le Bassin Parisien pourrait offrir 8 milliards de barils, soit 160 milliards d’euros de recettes fiscales. Un émirat sur les rives de la Seine…
Les manifestations de protestation n’ont pas manqué dans le Sud de la France pour défendre la nature sauvage des plateaux. Il y en aura d’autres, et les amoureux de notre Terre doivent se mobiliser.
Car outre l’atteinte intolérable à la nature, à la vie naturelle, à l’environnement, c’est notre monde qui est violemment agressé. La propension qu’ont les « paysans » américains à recevoir des compensations financières pour laisser les entreprises saccager leur environnement montre bien à quel point la société du Nouveau monde corrompt les hommes. Or, nous, Européens, sommes sensibles non seulement à l’intégrité de notre patrimoine, lequel devrait être légué intact à nos descendants, mais aussi à la beauté de nos paysages, à sa pureté, à son caractère profondément singulier, fruit de siècles d’Histoire. C’est pourquoi les défendre contre l’avidité des marchands et leur technolâtrie mortifère, c’est encore et toujours protéger notre patrie charnelle.