« J'ai découvert le phénomène à la télé en novembre et je suis immédiatement tombée sous le charme des oeuvres de toutes ces artistes », se rappelle-t-elle. Ni une ni deux, elle commande dès janvier des « kits » sur internet : jambes, bras, tête en vinyle, accompagnés d'un corps en tissu. « On trouve de tout. Personnellement je préfère les touts-petits, depuis le prématuré jusqu'au nourrisson de moins de 3 mois », précise la faiseuse de bébés.
Après réception de ces petits corps vierges, le véritable travail peut commencer. Avec pour objectif la réalisation d'un poupon unique en son genre.
Première étape, peindre la poupée. « J'utilise des peintures très diluées que j'applique en couches successives pour rendre la profondeur et la complexité de la peau du nouveau-né avec ses veines, mais aussi toutes ses rides sur les mains ou les pieds », explique-t-elle. Entre chaque couche, passage obligatoire du bébé au four, à 135°C, pour un séchage optimal.
Place maintenant à la chevelure. Des centaines et des centaines de cheveux et de cils en mohair sont implantés un par un à l'aide d'une petite aiguille. « C'est la partie la plus fastidieuse du travail », reconnaît Chantal, qui s'estime récompensée par la douceur de ces petites têtes qu'elle ne se lasse pas de caresser.
Après ce travail de fourmi, les membres sont lestés avec des billes de verres et de polystyrène de façon à reproduire le poids d'un véritable nourrisson. « Quand vous le portez, il faut d'ailleurs bien penser à lui soutenir la tête », prévient l'artiste qui accompagne la recommandation d'une petite démonstration. « Ils ont une présence incroyable dans les bras, c'est saisissant. ! »
Ne reste plus qu'à habiller ce petit reborn. « J'adore ce moment, confie-t-elle Je leur mets une couche puis je les habille avec des vêtements achetés dans des boutiques traditionnelles. » Une tétine à embout métallique associée à un petit aimant placé dans la bouche peuvent compléter la panoplie. « Certaines personnes âgées qui ont des pace-maker ne tolèrent pas l'aimantation, je n'en mets donc pas de manière systématique », précise Chantal.
Des bébés « adoptés » par les clientes
Chaque nouveau-né factice est alors vendu aux enchères sur Ebay. Mais attention, les clientes n'achètent pas : elles « adoptent ». C'est la terminologie d'usage dans le monde du reborning. En témoigne le certificat de naissance fourni avec le kit et rempli par l'artiste-reborneuse qui donne alors un prénom à sa création. Depuis janvier, Chantal a déjà écoulé dix-sept poupées, la plupart du temps à des collectionneuses, pour des sommes allant de 200 à 400 euros.
Le succès est tel qu'une clientèle de commande commence à se constituer. « Ce sont souvent des grands-mères qui m'envoient des photos de leur petit-fils ou de leur petite-fille pour que je m'en inspire, explique-t-elle. Elles veulent tout simplement garder un souvenir impérissable du nouveau-né...»
Derrière ces fans inconditionnelles se cachent toutefois un grand nombre de personnes heurtées par cet hyperréalisme revendiqué. Chantal le reconnaît d'ailleurs volontiers : « Soit les gens adorent, soit ils détestent, il n y a pas de juste milieu. » Une chose est sûre : personne ne reste indifférent.
1. le terme newborning peut être utilisé lorsque la poupée est réalisée à partir d'un corps vierge. Par usage, le mot reborning recouvre l'ensemble de ces pratiques.
Nice-Matin - 11 août 2009
Assez malsain...