Une jeune femme française est condamnée au Mexique pour complicité d’enlèvements, de tortures et d’extorsions de fonds. Ses avocats, la presse nationale et le Palais de l’Elysée plaident sa parfaite innocence, sans rien nous révéler jamais des contenus du dossier. Il faut les croire sur parole, et s’émouvoir avec eux : la Justice mexicaine est aveugle, expéditive et dénuée de toute humanité…
http://www.sedcontra.fr/La-Une/Une-manipulation-exemplaire-cautionnee-par-le-President.html
Israel Vallarta Cisneros est le chef d’une bande de criminels spécialisés à Mexico dans le rapt des femmes et des enfants de bourgeois aisés, “los Zodiacos”… Une petite bande, sans doute, à l’échelle du gangstérisme mexicain : on ne lui attribue que dix enlèvements aboutis et un seul assassinat.
Le dernier forfait des “Zodiacos” s’est produit le 19 octobre 2005 dans une banlieue chic de la capitale. Cristina Rios Valladares et son mari Raul, qui conduisaient leur garçon de onze ans à l’école, sont capturés par trois hommes armés de fusils de guerre, ligotés, jetés à l’arrière d’une grosse 4x4 et conduits les yeux bandés au ranch “Las Chinitas” sur la route de Cuernavaca – le repaire du gang – à 29 km de Mexico.
“On te sectionne une oreille, ou on te coupe un doigt ?”
Le mari est libéré très vite, avec mission de réunir dans les meilleurs délais une rançon de 15 millions de pesos s’il veut revoir en vie sa femme et son enfant… Il faut croire que cette somme n’était pas si facile à trouver, ou que Raul a pris sur lui d’alerter la police : pour Cristina, en effet, l’enfer du viol et des tortures psychologiques va durer près de deux mois.
Une jeune et jolie femme aux cheveux clairs, parlant l’espagnol avec un net accent français, s’occupe généreusement de nourrir les otages et de leur administrer des calmants. Elle s’intéresse de près au petit Christian, dans le but évident d’accélérer le versement de la rançon : “– Qu’est-ce qui te ferait le plus mal, Christian, qu’on te sectionne une oreille ou qu’on te coupe un doigt ?”
Cette femme est beaucoup moins inhumaine qu’on pourrait le penser : elle se contente finalement de prélever un verre de sang au garçon, pour y tremper une oreille sectionnée par le gang sur un petit cadavre, et faire porter le tout au père qui tarde imprudemment à s’exécuter !
Cristina comprend très vite qu’elle a affaire à la “fiancée” (novia) d’Israel Vallarta. D’autant plus vite que le chef du gang provoque chez cette femme de formidables colères chaque fois qu’il vient bousculer sa victime et en abuser sexuellement : “Si tu continues à la sauter, je me vengerai sur elle, et tu n’auras pas ta rançon !”
Quand l’évidence compte pour rien…
Cette jeune femme aux cheveux clairs, toute la France la connaît aujourd’hui : elle s’appelle Florence Cassez – 34 ans, originaire de Béthune dans le Pas-de-Calais –, et se trouve détenue par la justice mexicaine depuis le 9 décembre 2005, date de son arrestation au ranch Las Chinitas en compagnie de son “fiancé” Israel Vallarta. Date aussi de la libération de Cristina et Christian Rios par un commando de l’AFI (Agencia Federal de Investigacion).
La presse française s’est émue de son cas, parce que Florence Cassez est condamnée en seconde instance à 60 ans de détention. Pour les familles mexicaines, qui subissent 8 000 enlèvements crapuleux chaque année (plus d’une vingtaine par jour !), cette peine est pleinement justifiée et doit être accomplie chez eux, où le crime a été commis…
A qui fera-t-on croire en effet qu’une “fiancée” qui s’occupe de si près des affaires du gang, dans une maison bourrée d’armes et de munitions, une fiancée qui assiste au viol de la mère retenue en otage, lui administre des sédatifs et prélève le sang de son petit garçon, oui, à qui fera-t-on croire que cette femme ignorait tout des agissements criminels de ses compagnons ?
La réponse est simple : on le fait croire aux Français. On le fait croire à Nicolas Sarközy, qui négocie le transfert de Florence Cassez en France avec le président mexicain, et à Carla Bruni qui est allé visiter sa “malheureuse compatriote” en prison… L’homme qui s’est fait connaître par son courage personnel pour sauver les enfants, lors d’une prise d’otages dans une école maternelle de Neuilly, assume aujourd’hui la défense publique d’une complice amoureuse mais parfaitement consciente et extrêment active d’odieux criminels mexicains !
Pour soutenir le contraire, il faudrait pouvoir invalider le témoignage de Cristina Rios, celui de son mari et celui de son enfant : une mère violée, un père fou de douleur et un enfant terrorisé, que ses parents conduisaient à l’école quand l’horreur a surgi. Pas facile… Le plus simple n’est-il pas de les ignorer complètement ?
“La voix qui bourdonne aujourd’hui encore dans mes oreilles”
Laissons donc parler ici la dernière victime du gang, que la presse française et les époux Sarközy n’ont pas voulu entendre, bien qu’elle ait témoigné en détail de son propre calvaire dans la presse mexicaine :
“Mon nom est Cristina Rios Valladares. J’ai été victime d’une prise d’otage, aux cotés de mon époux Raul et de mon fils qui avait 11 ans. Depuis ce jour notre vie a totalement changée… Ma famille est détruite. Ce que mon fils et moi avons vécu, du 19 octobre 2005 au 9 décembre de la même année, est indescriptible : 52 jours de captivité pendant lesquelles je fus victime d’abus sexuels et, avec mon enfant, de torture psychologique…
“Depuis notre libération, ma famille et moi nous vivons à l’étranger. Nous ne pouvons pas revenir à cause de la peur, car le reste de la bande n’a pas été arrêté… Nous avons appris la nouvelle de la peine de prison que Florence Cassez méritait, cette femme dont j’avais écouté la voix à de maintes reprises pendant ma captivité… Une voix d’origine française qui bourdonne encore aujourd’hui dans mes oreilles. Une voix que mon fils reconnaît comme celle de la femme qui lui pris du sang pour l’envoyer à mon époux, avec une oreille qui lui ferait penser qu’elle appartenait à son fils.
“Maintenant j’apprends que Florence réclame justice et clame son innocence. Et moi j’entends dans ces cris la voix de la femme qui, jalouse et furieuse, hurlait sur Israel Vallarta, son petit ami et chef de la bande, que s’il recommençait à s’approcher de moi, elle se vengerait sur ma personne. Florence raconte “le calvaire” de la prison, mais elle voit sa famille dans le pénitencier, elle émet des appels téléphoniques, elle réalise des interviews pour la presse et elle ne craint pas chaque seconde pour sa vie.” (Lettre ouverte de Cristina Rios, traduite de l’espagnol par nos soins.)
Il fut un temps où Nicolas Sarközy, ministre de l’Intérieur puis candidat à l’Elysée, rassurait beaucoup de Français en plaidant l’écoute privilégiée des victimes, et la fermeté sans faille des pouvoirs publics contre toutes les formes de délinquance ou de criminalité. N’aurait-t-il plus le choix des vraies causes à défendre, depuis qu’il est devenu Président ?
©Emmanuel Barbier/Sedcontra.fr, mars 2009